vendredi, septembre 10, 2010

vendredi, janvier 23, 2009






















Collection Tête de lard, des livres d’art pour les ardons

Il existe une littérature de jeunesse qui est au cochon ce que l’amour est au troufion dans les fessées de Vincennes. Il y a cette liberté de ton, cette ébullition du graphisme qu’aucun pédagogue démagogue, (pléonasme !) ne pourra vous incuber l’esprit du fieffé poker menteur. Fi de la caustique censure, rangez les crucifix dans les armoires à pharmacie. Tous les thèmes ont droit de citer et on les aime ces bouquins qui tiennent éveillés les tout-petits au sourire grabuge. Constipé(e)s de la purge, passez votre lecture et vive l’aventure à vivre entre les pages.

J’ai testé pour vous avec mon tout-petit frangin Sinjon, cinq bouquins de cette fameuse collection Tête de lard. Il a croqué à belles dents, léché, humé le carton dur et s’est délecté de ces livres à sa portée et en est resté baba au chocolat Son esprit qui frise l’imaginaire en goguette en est ressorti fricassé des babines et il n’a plus jamais voulu lâcher ces morceaux de choix.
Quand j’ai ouvert pour la première fois Léon l’étron un livre très marron en cacamaïeu de Killoffer, je n’ai plus eu d’yeux que pour ce personnage sorti tout droit d’une chanson de mon cher Ramon Pipin. Si Léon s’était mis au parfum du Petit caca Noël*, je suis certaine que sa pestilence existence lui aurait ouvert de nouveaux horizons. Pleurez en chœur ce refrain d’amour sur la lunette de vos sornettes : Petites crottes sans espoir / Vous êtes mes seuls souvenirs / Qu’elle m’ait laissés avant de partir / Sans autre forme d’au revoir / Petit caca ne t’en va pas / Ne me quitte pas comme ça / Reste là pour me parler d’elle / Mon petit caca Noël*
Léon, c’est l’histoire d’un caca bien de sa personne, un beau mec marron qui cherche une présence pas trop susceptible du tarin d’aisance. Sauf que seul avec les mouches il a le ticket gagnant. C’est par trop frustrant. Je ne vous dis pas la chute de histoire en forme de pince-nez accablé. En tout cas, Sinjon a élu Léon son héros de l’année. Il a même demandé au Père Noël s’il existait un modèle en vrai avec tous les atouts du caca boudin, oui une peluche de son état, style doudou qui n’en chie pas un rouleau de pet crû. C’est vous dire son coup de foudre. C’est un livre qui regorge de trouvailles, avec son texte alerte au vocabulaire riche en consonances des résonances dessinées.

Plus grand plus petit de Kya, c’est un inventeur à face d’Albert Marcoeur qui se défrise les moustaches sous la buée de ses lunettes. Selon qu’il actionne l’un des trois boutons de sa machine, il obtient l’opération de grandir ou rapetisser les objets, voir même les êtres. Seulement, cela peut avoir quelques inconvénients. Sinjon s’est pris un moment au jeu du magicien. Il a même voulu que je devienne riquiqui pour m’écraser comme une banane pourrie. Il a fallu que je lui explique que ce n’était qu’une fiction suggérée. Il a la folie des grandeurs. Je crois qu’il tient de moi.

Pourquôôââ de Voutch. Parfois une grenouillette vous sort les yeux de l’assiette quand elle dresse le couvert des questions du pourquoi au moment de se coucher. Et quand elle a de la suite dans les idées, faut s’accrocher. Je plains vraiment la maman ou le papa. Avec Sinjon, je suis adepte de l’assommoir et ainsi fi du pourboire à la curiosité. Non, mais sans dec !

Zizi ou Zézette de Laetitia Zuccarelli. L’auteure a eu l’idée de génie de fabriquer des poupées en chiffon qui représentent sans fard dans la plus simple nudité tous les membres de la famille, depuis l’enfance jusqu’aux ravages de l’âge avancé. Elle les a toutes photographiées sur un fond de tissus coloré et a levé les mystères du tabou des corps au naturel. Sauf qu’en ce qui concerne Doudou… ! Sinjon, c’est rigolo n’a rien appris, lui qui vit toujours nu comme tous ses ancêtres qui l’ont précédé. Ah ces singes ! Ils ont toujours une longueur d’avance ! Qu’est-ce qu’ils ont tous ces humanos à vouloir les singer ?

Beau corbeau de Mireille Vauttier. Oh l’autre, comme si la couleur du corbeau, en l’occurrence le noir n’était pas une véritable couleur pour les autres oiseaux. Et quand tu ne picores pas dans le même arc-en-ciel, casse-toi de mon azur et va voir ailleurs si je suis une chiure. La nuit, c’est de quelle couleur déjà ? Heureusement qu’en Australie, il y a des oiseaux qui apprécient son ramage et c’en est fini de la prise d’otage pour ce bel oiseau qui sait casser des coquilles de noix avec son bec. Ca, c’est moi qui le dis, ce n’est pas dans le livre. N’empêche, j’aime Beaucoup ce Beau corbeau. Cette tâche ébène, Mireille a su lui donner du corps et de l’air. Depuis qu’il a zieuté ce livre, Sinjon a demandé à tous les corbeaux de la forêt du Médoc de l’emmener en Australie pour y voir lui aussi du pays. Je m’attends un de ces quatre à recevoir une carte postale du continent de l’autre côté de la planète avec les crottes de bique de mon frangibus, en guise de signature.

Comme quoi, c’est dingue comment tous ces bouquins modestes peuvent combler les tout-petits et même les grands qui sont demeurés haut comme trois pommes dans leur caboche de mioche. Même le format cartonné a été pensé, 24 pages, un carré de 12 cm sur 12 cm, aisé à tenir par des menottes libres de bambins. Le prix aussi est tout petit, autour de 6 euros.

J’en profite pour lancer un appel à une dessinatrice / un dessinateur et une éditrice ou un éditeur, j’aimerais tant que mon personnage de Missdinguette la Singette un peu frapadingue prenne forme entre les pages d’albums dans des histoires loufoques qui parleraient aux loupiots. J’ai plein d’idées qui me trottent casque avec des aminches tels que Gouingouin le pingouin, Sinjon mon frère ou Sosso la sorcière. Style petit ours brun, s’abstenir dans sa grotte. La statique du quotidien cul cul la praline, ce n’est pas ma tartine. De l’humour, de la fraîcheur, de la joie de vivre avant toute chose ! J’attends vos réponses.


Déjà une cinquantaine de livres au catalogue 2008 / 2009 de la collection Tête de lard. C’est édité par les éditions Thierry Magnier / 13, quai de Conti / 75006 Paris / tel / fax : 01 44 83 80 00 01 / www.editions-thierry-magnier.com

Léon l’étron un livre très marron en cacamaïeu de Killoffer
Plus grand plus petit de Kya
Pourquôôââ de Voutch
Zizi ou Zézette de Laetitia Zuccarelli
Beau corbeau de Mireille Vauttier


* Petit caca Noël (De Courson / Barrès) in l’album Ramon Pipin’s Odeurs : Toujours plus haut / Coffret l’Intégrale saison 1

Jazz magazine ou la fine oreille plaisir des ziziques évolutives et narratives


Jazz magazine ou la fine oreille plaisir des ziziques évolutives et narratives Dernièrement, je me suis plongée dans deux numéros décapants de la revue Jazz magazine qui consacraient des dossiers à Frank Zappa et Christian Vander (Magma). Les deux versants de l’Océan Atlantique et les relents des talents qui ont révolutionné les phrases des ondes musicales, de ces quatre dernières décennies. On en ressent encore le tsunami et c’est tellement bon que j’en croque pour ces musiques !


Le Bartos me racontait comment il avait invité un jour Guy Darol à conférencer dans le cadre d’une association d’échanges de savoirs où le Franckos sévissait sur fond d’atelier d’écritures style Papous dans la tête (France Culture), au fin du fin fond de la Brie (77), il y a déjà bien longtemps. Et comme de bien entendu, déjà à l’époque Frank Zappa déroula la mécanique de ses fluides musicaux par la voix de Guy. Le public bonnard et ouvert d’esprit se découvrit une appétence musicale peu banale. Encore merci Guy !
Dernièrement, quelle ne fut pas ma surprise à peine feinte lorsque je lus que le Guy avait participé et même animé un débat entre grosses pointures, pas moins du 46 guitarme de charme éclectique pour la revue Jazz magazine !
« A poil le jazz ! », ça débutait très fort l’édito de Franck Bergerot qui connaît la musique et ne se contente pas d’un rot comme maintes rédacteurs de revue spécialisées qui n’acceptent aucun pet de travers au cul de leurs sujets Dès 1967 en concerts le Zappa avait de l’apostrophe à l’attention de son public : « Retire tes vêtements quand tu danses ». « Quelle est la partie la plus horrible de ton corps ? ». C’est donc à poil dans ma tenue de prédilection telle la bête fauve que je suis durant les 12 mois de l’année, que je tournais les pages de ce numéro et me régalais les mirettes à déchiffrer l’intention de cette revue qui titrait en couverture provocatrice sus aux puristes : « Zappa Faux rockeur ou vrai jazzman ? ».
Octobre 69, année érotique, tu m’es stone, et Charden à la poubelle. Ils étaient fous ces belges d’inviter sur la scène du festival d’Amougies, des groupes comme Pink Floyd, l’Art Ensemble of Chicago, Ten Years After, Archie Shepp, Gong, Don Cherry, The Pretty Things, Soft Machine et j’en passe des meilleurs du rock / jazz et autres déjà inclassable à cette époque riche en épopées musicales. De ce grand cirque des décibels à ciel ouvert, Frank Zappa en personne soufflait sur les braises des notes rebelles en présentant les groupes et en jammant avec eux comme un amant exquis. Rien de tel pour que les frontières des genres et des styles escamotent leurs réverbérations et bastonnent les géographies physiques des alchimies musicales en vigueur. Sous le titre « Un rockeur qui fait jaser », Guy Darol excellent animateur de la table ronde, donne le la aux voix majestueuses et connaisseuses du sujet (Glenn Ferris / Jean-Luc Rimey-Meille / Pierrejean Gaucher et Christophe Delbrouck). Je vous livre un florilège allégé des propos tenus : « Mais sa première rencontre avec un jzzman date de 1962. A la fin d’un concert de Miles Davis, Zappa va dans les loges pour le féliciter et Miles lui tourne le dos. Il en déduit qu’il n’a plus rien à faire avec les jazmen ». / « Ce qui l’ennui dans le jazz, c’est son côté académique. Zappa a toujours préféré les musiciens qui cassaient les barrières ». / « Il adorait le jazz, s’entourait de musiciens de jazz, mais c’était un rocker doublé d’un génie, ce qui le poussait à aller toujours au-delà. » / « Il faut toujours se souvenir de cette phrase qu’il aimait répéter : Je suis un compositeur de musique sérieuse qui joue de la guitare avec un groupe de rock pour gagner ma vie ». « Zappa est très proche de Miles Davis quand il veut faire réagir ses musiciens dans le feu de l’action. » / « Il veut une chose au fond : ne pas jouer sérieusement une musique rigoureusement sérieuse. » / « Zappa était un guitariste qui improvisait comme un jazzman, mais qui n’avait pas la culture du jazz à la guitare ». (…) en pages 22 à 29
Guy exhorte aussi de sa discothèque ces « bruits jazz ». Il analyse et passe sous la grande roue du jazz les morceaux qui peuvent dépasser voir dépayser la somme amère de ce carcan.
Le tromboniste Glenn Ferris nous raconte sa participation au Grand Wazzo et le violoniste Jean-Luc Ponty nous relate la découverte de l’univers de Zappa et son épopée avec Frank. « King Kong » vibre toujours aussi fort dans mes tripes simiesques, mon cher Jean-Luc.


Autre épisode du jazz en ébullition, les aventures des 40ème rugissants, Magma qui fêtera en 2009 ses quatre décennies d’existence : « Magma Christian Vander raconte : Je me noyais dans Coltrane » en couverture du numéro de novembre 2008 de jazz magazine.
En 1980, Ramon Pipin’s Odeurs clamait sur sa pochette « 1980 : No Sex ! », et pour cause, une malheureuse poupée gonflable en manque d’amour je suppose, passait de vie à trépas sous le fil de son rasoir dans sa douche. Il en débouchait une kyrielle de musiciens qui viendront porter l’humour musical à Ramon, dont Stella Vander, Liza Deluxe, Richard Pinhas… proches ou voisins de l’univers de Magma. Plus récemment encore, Klaus Blasquiz se prêta au chant lors du concert Odeurs en public, le 6 mai 2008.
De cet héritage, de cette catharsis musicale, « C’était l’occasion de demander à Anne Ramade et Stéphane fougère spécialistes de Magma et de ces musiques dites progressives apparues à la fin des années 60, de nous aider à y voir plus clair » dixit Franck Bergerot. Même si sans jouer sur le mots, Eric Deshayes et Dominique Grimaud auteurs de « L’underground musical en France »* en connaissent aussi un morceau de choix ! (J’y reviendrai dans une prochaine chronique en 2009).
L’intérêt que je peux porter à l’effervescence Magma touche surtout le fait que comme pour Zappa et toutes les musiques que j’ai choisies de me mirer dans les tympans, elles n’entrent dans aucune catégorie. Je me rappelle une interview de Robert Wyatt pour France Culture qui ne jurait que par « Round Midnight » et une autre de Daevid Allen qui entonnait « So What » de Miles Davis, surtout lorsque l’on sait les dérivés multiples vers lesquels ces musiciens composèrent et composent toujours leur art !
D’autant que mes rapports à Magma étaient plus que conflictuels à l’âge de gros con d’ado boutonneux, me souffle le Bartos qui était. Pétri de l’esprit du Krautrock allemand mais aussi d’humour et de dérision. Les incantations de la bande à Vander Christian l’effrayaient et ne lui déridaient pas les zygomatiques, puisque comme Vander le dit, « on cherchait à réveiller les gens. Les mesures s’enchaînaient. On ne pouvait jamais être tranquille. Theusz Hamtaahk et Wurdah Itah ont été faits assez rapidement, Mëkanik Destruktiv Kömmandöh en était l’aboutissement, le OM. Je disais dans le temps que c’était mon My Favorite Thing à moi. J’avais envie d’entendre ces climats obsessionnels qui n’en finissaient plus et qui me mettaient dans l’état dans lequel j’étais en écoutant My Favorite Things avec le chorus de Coltrane qui s’étale, l’interminable (dans le bon sens du terme) solo de Mc Coy, et cette chanson fantastique ». (page 23)
N’empêche, il lui aura fallu le recul et l’imprégnation musicale nécessaires au Franckos pour pouvoir aborder les rives de la riche histoire de Magma, l’apprécier à sa juste mesure afin de comprendre enfin le joint et le dépassement d’avec les tribulations de la planète jazz. « On n’allait pas refaire la musique de Coltrane, surtout à ce moment là. J’ai préféré faire une musique qui me brûlerait les mains » (Christian Vander). Pigé mec ! Même si encore une touche de sympathie court à la rythmique drolatique du côté de chez « Guigou Chenevrier d’Etron Fou Leloublanc, durant ses solos de batterie, coiffé d’un antique casque militaire, (qui) caricaturait devant son public hilare, les grimaces et mimiques du leader de Magma » (in L’Underground musical en France, page 219).
Alors, peut-on se targuer de dérision avec tout et toutes les musiques cosmiques qui marinent avec le jazz et s’immiscent dans le rock des ébats amoureux fructueux pour nous cracher à la tronche les initiales de ses attributs, sa tribu, sa tribune d’en avant la zizique ? Chiche !
Jazz magazine par ses dossiers très sérieux casse les digues, navigue jusqu’au sémaphore, ne cale pas à la première lame de fond et éclaire notre oreille musicale aux mélanges des styles, à la fusion des genres. On se lave les oreilles. On lit les musiques entre les lignes aux débouchées des jazz qui se jettent dans la mer démontée, affluents des vibrations actuelles et d’hier.
Avec Jazz magazine, c’est à chacun d’évaluer de dévaler les pentes de ses rythmiques, ses chorus et se créer sa propre écoute en connaissance de cause. La cause est toujours bonne à défendre les musiques qui ne ressemblent à aucune autre et qui évoluent comme un cépage du Médoc.

Santé, à boire les notes sans modération et garder en bouche les aromes musicaux. Quel régal !

* Eric Deshayes et Dominique Grimaud L’Underground musical en France, ed. Le Mot et le Reste, novembre 2008


Jazz magazine : Zappa Faux rockeur ou vrai jazzman ? (n°593, juin 2008)
Jazz magazine : Les disciples Les héritiers Les CD cultes MAGMA Christian Vander raconte. « Je me noyais dans Coltrane » (n° 597, novembre 2008)

Gens du Médoc : Les grandes traversées du 30 décembre 2008, un régal partagé d’innovations et d’inventivités
















Les lèvres déformées par l’extase des rires et des sourires de connivence, les sourcils en point d’exclamation, ce fut une fois de plus l’éminent art de la transe des Grandes traversées de vous chavirer et vous captiver. Entrée par la danse, repue d’images, de sons, de tous ces corps en immersion dans ce bal festif du grand déballage des sensations, je vais vous conter ma soirée mémorable du 30 décembre 2008 à Bordeaux.


Plouf, je plongeais à la Base sous-marine de Bordeaux. Caille caille, tous les artistes à l’unisson ont réchauffé les tripes du public avec leurs surprenantes prestations de concert. Des couvertures furent distribuées. Ce contraste de saison, quoi que banal puisque j’avais été mise au courant par le Bartos. Ce dernier avait déjà l’an passé transmuté sa carcasse en ce lieu étonnant, à vous mirer les langues et les dialectes en tête à tête avec une créature de l’autre dimension avides de votre carotide. A peine si je délire une vision de vampire entre les bassins de décantation, la brume et la bise marine comme un soupir en béton armé. Bon, j’ai planté le décor.
Entrée des artistes. Il y avait pléthore et le choix fut difficile à établir. Petite histoire du punk argentin, en première mondiale, une conférence ad hoc pour moi qui en était demeurée à ma servitude culturelle européenne et qui ne connaissait de l’Amérique latine que les tartines d’un c’était bath le temps du tango. Ca tombait à pic, puisque pour cette première mondiale, Tatiana Saphir, chair très chair conférencière à la pulpe généreuse d’un Crumb, bombait un FUCK REALITY en noir sur un mur de journaux avec le A cerclé. Elle déchirait le papier. Elle roule boulait au sol, pour se départir de ses frusques au demeurant préalablement aérées et finissait ver de terre, mue de sa peau entièrement nue sur un fond d’accord destroy. Ca avait été très vite. Elle évacua la scène et une comparse du même tonneau donna un rapide coup de balai. Une autre se radina strict en sombre jupe et tailleur. Macache bonobo, elle avait une sœur jumelle ou quoi ? Le Bartos pouffa, mais non, c’était la même banane ! C’était elle la conférencière qui s’installa au pupitre et mania la baguette sur l’écran blanc où défilèrent des photos qui illustraient ses propos en français. C’était marrant, elle me rappelait la photo au dos de la pochette du Nina Hagen Band, (1978). Un groupe de jeunes +/- punks, des activistes allemands des années de plomb qui se présentaient sur le tableau tels des cadres dynamiques endimanchés à la fermeture du métro. Avec un jeu dans le phrasé, Tatiana enveloppa de sa plastique avenante la théorie du pogo qui consistait à s’émouvoir frénétiquement, ce qui demandait une grande résistance physique. En se passant des travaux pratiques elle ficela l’acte du crachement des musiciens sur le public et inversement. Attardée culturelle, j’en étais demeurée à la pratique des chanson Le crachat de Léo Ferré au Pank de Nina Hagen. Le groupe Blondie en visite en Argentine reçut les postillons poliçons de bon aloi comme retour de sa gloire au galop. Il n’apprécia pas du tout les mœurs dépravés du pays…. Il y eut aussi le célèbre chanteur Picky qui se tira l’épingle à nourrice du lot et joua la vie brève selon le processus de la chute des corps depuis son balcon. Newton qui avait croqué la pomme avant lui avait du se bidonner. Et vlan passe-moi l’éponge. Trop drôle ces punks ! On eut droit aussi à de savantes explications. C’était charmant et truculent. Cette Tatiana respirait la santé, même que si elle s’émouvait trop fort par tous les pores, les boutons de son chemiser risquaient de craquer ! C’est d’ailleurs ce qu’il faillit se produire à la fin de sa prestation. La belle dame brune chanta, s’énerva et gratifia son auditoire d’un fuck you bien senti touchant sa cible sensible dans le contexte énoncé. Chapeau l’artiste, je ne me suis pas ennuyée une seconde, j’ai appris beaucoup de choses apprécié l’humour de la donzelle, et son accent charmant.

Still Untitled dansé en avant-première par Sigal Zouk, c’était en langage relâché moins speed et décapant que mon adorée Tatiana précédente. Un guitariste ramollo égrenait des notes sur un rythme monocorde pendant que Sigal la fourmi (mille excuses et sauf tout mon respect, j’ai pas pu m’en empêcher !), se mouvait au ralenti, debout, couchée. Aucune expression de son visage ne venait strier son évolution. J’ai pensé dans le texte « comment elles se poétise, cherchant un corps perdu dans un temps virtuel, montrant à l’auditoire comment faire avec la disparition des corps hors de la tridimensionnalité » (dixit le programme). O joie, j’ai reconnu une poubelle berlinoise dans le décor qui ne m’a pas causé plus que cela. Lors des saluts à la foule, j’ai été conquise par le sourire affable de Sigal et je suis sortie rassurée. Sigal n’était pas un robot compassé par la moulinette d’une méchante fée qui lui aurait défait la locution des sentiments.

Private dancer en première française dans la grande salle avec Magret Sara Gujonsdottir, Sveinbjörg Thorhallsdottir et Jared Gradinger, (mes excuses pour les accents omis à vos noms). Sur la grande scène, un décor sobre organisé en trois points d’un triangle. Un matelas + une personne en dessous d’un drap, un écran de télé vide / une table des fruits et des chaises / un plateau + un verre posé sur une table avec un téléphone.
Trois personnages vont traverser l’espace de ce théâtre de l’absurde. Deux femmes et un homme. L’homme, c’est Jared le héros des Grandes traversées. Sur l’affiche il avait des cheveux bouclés et portait des lunettes. Et bien figurez-vous les aminches, le zigue s’était grimé style conte des frangins Grimm revu et corrigé. Il avait la barbe et de loin en haut des gradins, il ne paraissait pas miro le beau. Tantôt en slip devant et les fesses nues (c’était pas un string, je ne sais pas comment ça s’appelle ce fatras cosmique, moi, Missdinguette qui jamais ne me vête, même pour plaire à mon chéri Gogo le gorille). Oh les filles, oh les filles, il est très beau garçons ce jeune homme et s’exprime parfaitement dans la langue de l’oncle Sam, même en chemise et en pantalon et même sans. Je ne vois pas trop le rapport, puisque moi, j’y entrave que dalle, la première marche pour ainsi dire. Bon, tout ça pour vous exprimer que je me suis contentée des images de ce spectacle très bavard. L’homme croisait les jeunes femmes sans presque les toucher. C’était le langage de l’incommunicabilité, même si l’une des ravissantes poussa la chansonnette et essaya de se sortir ainsi de la situation. Sauf que rien ne passait entre ces trois là, copain / copain, stimulant la claudication des corps charnels châtrés. C’en était devenu désespérant à la fin. Il y eut bien parfois subrepticement durant un orage du son, quelques intentions de fantasmes avortés. La fanfaronne, pantin désarticulé se brouillait les articulations entre les bras de l’homme qui travaillait son crâne et sa nuque sans jamais la faire craquer. L’ostéopathe ne jouait pas à l’épate et encore moins au mille pattes. Dans un subtil effort pour la soulever… elle était trop lourde. L’une causait au téléphone tandis que la chanteuse entremetteuse s’émoussait et l’homme passait entre elles presque indifférent. Des ombres se dessinaient sous les draps. Quand allait-on éclore à la réalité de se cauchemar éveillé ?

Copyme, créé et dansé par Rahel Savoldelli en première mondiale
Alors la, balaise la nana ! Je ne savais pas si c’était la salle du Théâtre qui voulait cela, où si c’était le phénomène des premières. Il n’empêche, Rahel sévissait avec la même intensité que ma chère Tatiana. L’une s’exprimait franchouille alors que la seconde angliche, bique ose pas facile facile à suivre ses palabres. D’autant que l’autre biche avait le dialogue facile avec les différents personnages qui s’incrustaient par écrans interposés et différaient de l’image que l’on avait d’elle. A part la tenue, c’était elle tout craché. Vous suivez ? Elle se démultipliait en au moins trois autres personnages auxquels elle se donnait la réplique et se mouvait tel un étrange élément scénique. Sur l’écran de droite, un ordinateur ancienne génération style minitel et les personnages qui passaient d’un écran à l’autre. A un moment, j’y ai reconnu un clin d’œil aux Marx Brother avec le jeu du miroir. Il se peut même que le phénomène de copie dégénéra lorsqu’une protagoniste ne répondit pas aux attentes d’une autre. A la hache pouvait se résoudre alors le désaveu du disque dur avec le désaccord touché jusqu’au sang. Tout un programme, du gore, des rires et des larmes.

Roadkill créé et dansé par Splintgroup, Gravin Webber, Grayson Millwood et Sarah-Jayne Howard en première française.
Alors là, je me suis demandée comment les services de l’immigration avaient pu laissé entrer cette bagnole avec à son bord trois australiens vraiment chtarbés de chez chtarbé. S’il existait un contrôle technique de tout ce qui roule sur leur continent ? Mais que faisait la peau lisse ? Parce que du côté de chez Montaigne et la Boétie, on appelait une épave le tas de boue qui stationnait sur scène. Au départ, un couple formé d’un homme et d’une femme était en panne sur une aire de repos d’une autoroute qui ressemblait à s’y m’éprendre à toutes les aires de repos de la planète. Déjà, c’était pas trop la colique ces zigues, ils avaient le volant à droite ! Le type sortit, bu un coup de flotte. Il actionna la manette du capot et c’était zéro. Il essaya de démarrer, nada. Il essaya de joindre une dépanneuse avec son téléphone cellulaire qui manquait d’air. Il essaya avec une cabine téléphonique, sans suite. C’était très relais calmos au départ. Ensuite, à l’intérieur de habitacle la nana se réveilla et joua aux amoureuses transies avec l’homme demeuré au dehors. Il y eut ce paysage saisissant d’inventivité qui donnait corps au véhicule comme si il était le quatrième larron de la farce. Avant de rentrer dans la caisse rejoindre sa compagne et la cajoler, le type en déséquilibre instable suivit les lèvres de la femme à travers les glaces du pare-brise, des vitres des portières et de la lunette arrière. Il y eut le barbu qui se radina d’on ne sait où et qui mata l’étal de viande aux ébats. Mâle aise et femelle défaite à bord ! Il y eut la confrontation entre les deux hommes, une tension qui germait pas vraiment tarte à la crème.
Il y a la scène de l’auto-stop, de l’accident sur la chaussée, de l’orage de galets et de tous les petits rien qui jalonnent le parcours des transhumances lorsque terré à l’isolement, l’espace de tous les dangers transbahute les clichés de la réalité. Cette pièce fonctionnait sur le mode de la tension et du relâchement des attentions, sauf que attention, ça bougeait ferme, ça courait dans un dialogue des corps à corps épris du non verbal. C’était toute la force de cette pièce qui peut toucher tous les publics de la planète confrontés un jour ou l’autre à ce genre de situation. Sarah-Jayne la danseuse était époustouflante d’expressivité. Elle avait la robe assortie à sa chevelure rousse qui lui collait à la peau. Son piétinement de l’homme couché par terre se jouait des conventions. Il y eut aussi le barbu qui à sa manière bien à lui de téléphona dans une cabine. C’était un cosmonaute qui avait épousé la gravitation universelle. Il logeait le combiné à son oreille la tête en bas sans aucun accroc et tout en douceur dans la scène contemporaine. Ils ses gestes souples ! De surprises en surprises, ces trois australiens dépassaient les champs de se surpassaient et détournaient les objets de consommation pour ouvrir le champ de tous les possibles, pour la plus grande joie du public resté sur le cul après cette prestation digne de l’unique.
Bravo encore aux envolées très physique et lyriques de ces trois danseurs qui ont eu la particularité fort rare de réinventer un espace scénique, à une époque où dans le monde de la danse contemporaine, les nouvelles technologies à la scène comme à la ville prennent souvent le pas sur la traçabilité des corps des danseuses et danseurs.

Get into character / Final créé par Jared Gradinger et Pictoplasma dansé par l’ensemble des artistes
- Oh regardez, des doudous grandeur nature ! Merci madame pour votre commentaire. Encore une de retour en enfance ! Les doudous je t’en ficherai. Des monstres oui, des présences de bric et de broc avec en dedans des danseuses et des danseurs qui les mouvaient. Moi, ça me rappelait plutôt la complexité des marionnettes auxquelles on aurait coupé le sifflet et je sais de quoi je parle. Ca me causait aussi concept « Kinderfest » (fête des enfants) où les mouflets fabriquent des personnages et les animent dans la rue. Je pense que Jared qui vit entre Berlin et New York participe du même esprit. Des poilus, des lisses, des crocs, des couleurs, des à tronche de biscuit, d’autres « vélotés » ou à pinces, Il y avait l’embarras du choix. Le public hilare en redemandait. Du rock hard aux musiques douces, et les maxi monstres se déverrouillaient les gambettes sur scène. A presque quatre heures du matin, je peux vous garantir le succès garanti.

En effectuant un regard circulaire entre « Private dancer » et « Roadkill », nous naviguions à vue entre trois personnages. Dans le premier cas : un homme et deux femmes et dans le second : une femme et deux hommes qui se mouvaient dans un espace intérieur ou extérieur. Autant en interne, nous avions à faire à l’évitement de la communication, autant en externe la chape des murs tombaient et mettaient en danger les personnages les uns par rapport aux autres.
De ces deux conceptions de l’appropriation scénique et dans le mélange des genres sur les rapports hommes / femmes, ce fut incroyable l’énoncé des palettes représentées en un laps de temps et un périmètre réduits.
Comme quoi, une fois encore, les jeunes figures de la danse contemporaine en liesse sur les scènes des Grandes traversées se sont surpassées, ont brisé les chaînes des schémas pré-établis pour donner toutes leurs forces dans des processus d’innovation et d’inventivité encore jamais égalées !

Mon seul regret devant la richesse et la qualité de toutes les prestations, ce fut de ne pas pouvoir assister à toutes les scènes, étant donné que tout se déroulait seulement sur une soirée.
Mon autre regret avéré pour des raisons matérielles de déplacement, ce fut de ne pas pouvoir participer à la fiesta du 31 décembre à la Base sous-marine de Bordeaux. En effet, sur une centaine de kilomètres, le brouillard très dense la nuit et les animaux sauvages des forêts du Médoc eurent raison de la tire du Bartos kamikaze. Ce dernier n’ayant fort heureusement pas l’étoffe du chasseur digne du beauf de Cabu première version qui fonçait sur les chevreuils tel le tueur carnassier sanguinaire.
L’été prochain, c’est certain les conditions météorologiques seront clémentes à souhait !


Prochaine étape : l’édition estivale des Grandes traversées du 26 juin au 3 juillet 2009. Jated Gradinger et sa communauté danseront entre les deux rives de la Gironde entre la Pointe du Médoc et les portes du Poitou-Charentes. A suivre donc….. dans la joie et la bonne humeur comme il se doit !

mardi, décembre 16, 2008

Gens du Médoc : « Les grandes traversées » de Bordeaux, l’interview d’Eric Bernard











La programmation internationale ultra jeune et ultra gonflée de la 8ème édition des « Grandes traversées » à Bordeaux, les 30 et 31 décembre, donne carte blanche autour de la personnalité affirmée de l’artiste danseur chorégraphe et homme de théâtre : Jared Gradinger qui s’ébat entre New York et Berlin. « C’est pourquoi, (nous propose Jared), j’aimerais inviter tous les habitants de Bordeaux et même d’ailleurs à participer à cet incroyable évènement réunissant de jeunes artistes du monde entier qui souhaitent partager, communiquer et poser la question : « How do you are » selon le titre clé de ce remue méninges des corps en mouvement, plein cap sur les nébuleuses de la danse / théâtre / arts plastiques / musique, unique en France, en Europe et dans le monde. Pour en approcher les rivages j’ai interrogé Eric Bernard, l’homme phare et l’esprit créateur de synthèse des « Grandes traversées ».














La Singette : Alors comme ça, c’est toi en personne le grand manitou des « Grandes traversées » ! Qu’est-ce encore que cette chose zarbique style crotte de bique qui me rappelle par trop un certain concept du Bartos qu’il me rabat la joie aux oreilles à langueur de journée, ce con ! Il se revendique de la notion de « Pont » entre tous les arts à l’instar du mouvement expressionniste «die Brücke » (Dresde 1905 / Berlin 1913), nom inspiré de cette citation de Nietzsche : « La grandeur de l’homme vient de ce qu’il est un pont et une fin en soi ». J’espère que toi à ton tour tu ne vas pas reprendre le flambeau de cet éclatement et la fusion entre tous les arts, sinon on ne va pas être copain toi et moi. Autrement dit c’est quoi, c’est qui « Les grandes traversées » et selon quel concept ça tourne et ça progresse ?












Eric Bernard : Les grandes Traversées c’est comme une grande boîte à outils…
C’est donc tout un tas d’outils que chacun peut utiliser pour créer son univers propre et singulier…En plus clair (du moins je l’espère…) c’est un moment de l’année confié à un Artiste d’aujourd’hui, plutôt émergeant et de disciplines artistiques très variables qui vont de la danse aux arts plastiques en passant par la vidéo le cinéma etc.… De toute façon tout cela c’est la même chose si on ne les considère pas comme des finalités mais des moyens. L’ouvre globale réalisé par l’Artiste invité parle du monde qui l’entoure et de tout ce qui fait sens pour lui. En gros c’est une immersion totale dans la création d’aujourd’hui, sous toutes ses formes et aux 4 coins de la planète









La Singette : La danse moderne et ou la danse contemporaine, c’est quoi au juste l’astuce ? A quoi ça peut bien servir d’aller voir des gens se mouvoir sur une scène alors qu’il existe un petit écran de plus en grand et qui prend de plus en plus de place au foyer, avec ses chorés chiadées made in star acte ou autres bastringues calibrés qui sont à la figuration le bon plan des Claudettes derrière les chaussettes de l’archiduchesse ? Tu peux m’expliquer l’utilité de la chose et comment tu te situes dans ce petit monde de la scène vivante des corps en mouvement ?









Eric Bernard : Voir des danseurs sur un écran de TV c’est comme photocopier un livre, ou avoir une reproduction de la Joconde dans son appartement…Cela y ressemble mais ce n’est pas du tout la même chose. Ou alors c’est pareil, mais sans l’émotion… Sans émotion pas de vie et sans vie…De plus les formes artistiques que nous accueillons sont très rarement montrées à la TV et quand elles le sont, c’est généralement dans des chaînes thématiques qui ne sont pas grand public. C’est un paradoxe mais ces formes artistiques ne sont pas grand public simplement parce qu’elles ne sont pas assez diffusées. C’est plus leurs interprétations que leurs contenus qui les rendent inaccessibles. Je défends l’idée, même si cela peut paraitre démagogique, que le public est exigeant et a du discernement. C’est un problème d’offre plus que de réception d’offre.









La Singette : Et puis quoi encore, t’es plouc ou quoi de t’enfermer dans cette région paumée du Médoc d’un certain point de vue « De loin on dirait une île », comme le titre du dernier opus d’Eric Holder ? Je ne sais pas moi, mais Pantin, ça à plus de gueule que Bordeaux au bord de l’eau ! Non mais sans dec, il existe un Centre national de la danse du côté de Paname où des messieurs et des mesdames prout prout de mammouth viennent délirer sous la moumoute en zieutant quelques ziguettes ou zigues qui se dézinguent le corps sur scène. C’est bath de chez bath !
L’an passé, lorsque j’ai assisté à la 7 ème édition des « Grandes traversées » à la Base sous-marine de Bordeaux, je n’ai pas ressenti ce snobisme à la mode pour bobos déphasés. Déjà il y avait moult jeunesse en goguette. A quoi tu attribues le fait que le public à la fête varie des varices entre deux hémisphères éloignés d’à peine moins de 700 bornes ?









Eric Bernard : Plus les Artistes ont du talent plus ils sont de l’humilité et plus ils sont en capacités à communiquer avec des publics larges. Dostoïevski a dit que « le beau sauvera le monde… », mais ça c’est l’affaire de toutes et tous. Les arts contemporains montrent plus qu’ils ne démontrent et dans cette logique, à partir du moment où les cœurs parlent aux cœurs tout peut se mettre en marche.









La Singette : Puisque désormais tu crèche dans le Médoc et que le blase de cette région m’inspire des cépages, le crû fin 2008 / année 2009 des « Grandes traversées » sera-t-il un bon crû et en quoi justement dans ta quête toujours renouvelée dans l’innovation exprimeras-tu des variations avec les précédents ?









Eric Bernard : C’est une édition gonflée du fait des programmations ultra jeunes et jamais accueillies en France, ultra gonflées sur la période et c’est ultra gonflé de présenter autant en si peu de temps. Mais c’est toujours pour nous le meilleur moyen de rester en vie que de renouveler sans cesse nos pratiques. Il fait faire attention a ne pas vieillir plus vite que le public et les artistes. De toute façon, je ne peux pas travailler autrement, je m’ennuie très vite… Cette édition est donc une excellente occasion de se connecter avec tout ce qui se fait aujourd’hui aux quatre coins de la planète et dans toutes les formes artistiques









La Singette : Tu peux nous présenter ton équipe et nous dire comment tu bosses d’une année sur l’autre un projet à concrétiser ?









Eric Bernard : Le concept de notre équipe a une forme plus horizontale que pyramidale...Cela veut dire que chacun doit faire ce pourquoi il est responsabilisé sans rapport de subordination ou d’autoritarisme. Chacun avec les autres et ensemble pour faire avancer le projet. D’ailleurs le public est lui-même dans l’équipe à sa place de public tout comme l’artiste qui lui est présent partout… C’est peut être un peu flou mais c’est cette dimension d’équipe très large qui doit créer le concept de communauté agissante. Juste une pensée particulière pour Virginie avec qui je partage tout et même beaucoup plus !









La Singette : Est-ce que tu penses que la danse contemporaine a sa place à l’école élémentaire et dans l’enseignement secondaire et qui plus en est dans le Médoc, région paumée et enclavée par l’excellence de la richesse de sa géographie et sa population qui aspire peut-être à une autre réalité que ce nouvel apport culturel ?









Eric Bernard : La danse à l’école ou les arts à l’école est une question qui ne doit pas se poser. C’est normal, indispensable et légitime dans tous les milieux et toutes les géographies sans exceptions. De manière plus complexe, mais plus intéressante je le crois, la discipline artistique n’a pourtant pas de sens si elle n’est mis en regard avec les autres. Les questions et les apprentissages qui se posent à l’école et surtout à l’école primaire sont des stades cruciaux, où tout se croise et se noue. Pour moi donc l’économie ne peut se comprendre sans son interaction avec la géographie, les maths avec la poésie et l’histoire, le français avec les autres langues, la physique, la danse et l’anatomie, la musique et l’histoire etc.…C’est l’opposition entre le sectoriel et le transversal. C’est un peu commun mais pour moi tout est transversal et rien ne s’explique ni ne se comprend isolément. L’apport culturel cela ne veut rien dire. C’est un droit pour tous et sans légitimité économique. De toute façon tout ce qui est vraiment important ne s’achète pas.





La Singette : Comment réagissent tous les artistes du monde entier que tu invites à




fouler le sol aquitain, voir même goûter le Médoc par la boutanche de l’estuaire de la Gironde et l’océan Atlantique si toniques pour les esprits et les corps ?





Eric Bernard : Ailleurs meilleurs est aussi une idée préconçue… Les Artistes que nous accueillions sont toujours en mouvement aux quatre coins de la planète, à vivre entre trois hôtels quatre avions et deux fuseaux horaires… Ce qui a émerveillé Jared Gradinger notre prochain invité, c’est la singularité d’un pays qui semble perdu et oublié de tous sans rien, alors qu’il a peut être le plus important : sa poésie et sa sincérité (géographie et poésie, voir ma réponse précédente).
Ce bout des terres, ou le début en fonction du sens dans lequel on le regarde a une force créative inouïe. Je pense que les grandes aventures, sociales, humaines, esthétiques ; mais tout cela c’est la même chose ; de notre époque sont à vivre et se créeront là où on ne les attend pas, justement parce qu’elles vont s’inventer d’elles mêmes sans les contraintes ou les prismes formatés des lieux où elles sont attendues. C’est l’histoire de la nature et du vide et encore une du monde et du beau…








La Singette : Est-ce que tu pourrais envisager vivre et partager une manifestation culturelle dans le Médoc avec des artistes de la plume, d’en avant la zizique comme aurait dit l’ami Boris Vian ou autres domaines et selon quelles modalités ?





Eric Bernard : je ne l’envisage pas, nous allons le faire l’été prochain…Entre deux rives ! St Vivien, Talais, Grayan, Soulac et Royan pour la deuxième partie de projet de Jared Gradinger « How do you are part 2 », à suivre ….









La Singette : Si tu as quelques chose à ajouter, surtout n’hésite pas ce sera avec plaisir.





Eric Bernard : www.lesgrandestraversees.com, merci et à bientôt !









Pour sûr j’irai et même qu’avant les dates des 30 et 31 décembre, je proposerai aux lectrices et lecteurs du Mague quelques mots à propos de la programmation riche en couleur.
Et puis pendant que j’y serai, vous aurez droit également à ma plongée sans aucune apesanteur pour un autre article relatant ma visite en ce lieu magique qu’est la Base sous-marine de Bordeaux où se déroulera le nouvel épisode des « Grandes traversées : Tanz Marathon Nacht Theater du 30 décembre et le Count partydown happy new year ! du 31 décembre.












Gens du Médoc : « Les grandes traversées » de Bordeaux, l’interview d’Eric Bernard

La programmation internationale ultra jeune et ultra gonflée de la 8ème édition des « Grandes traversées » à Bordeaux, les 30 et 31 décembre, donne carte blanche autour de la personnalité affirmée de l’artiste danseur chorégraphe et homme de théâtre : Jared Gradinger qui s’ébat entre New York et Berlin. « C’est pourquoi, (nous propose Jared), j’aimerais inviter tous les habitants de Bordeaux et même d’ailleurs à participer à cet incroyable évènement réunissant de jeunes artistes du monde entier qui souhaitent partager, communiquer et poser la question : « How do you are » selon le titre clé de ce remue méninges des corps en mouvement, plein cap sur les nébuleuses de la danse / théâtre / arts plastiques / musique, unique en France, en Europe et dans le monde. Pour en approcher les rivages j’ai interrogé Eric Bernard, l’homme phare et l’esprit créateur de synthèse des « Grandes traversées ».


La Singette : Alors comme ça, c’est toi en personne le grand manitou des « Grandes traversées » ! Qu’est-ce encore que cette chose zarbique style crotte de bique qui me rappelle par trop un certain concept du Bartos qu’il me rabat la joie aux oreilles à langueur de journée, ce con ! Il se revendique de la notion de « Pont » entre tous les arts à l’instar du mouvement expressionniste «die Brücke » (Dresde 1905 / Berlin 1913), nom inspiré de cette citation de Nietzsche : « La grandeur de l’homme vient de ce qu’il est un pont et une fin en soi ». J’espère que toi à ton tour tu ne vas pas reprendre le flambeau de cet éclatement et la fusion entre tous les arts, sinon on ne va pas être copain toi et moi. Autrement dit c’est quoi, c’est qui « Les grandes traversées » et selon quel concept ça tourne et ça progresse ?
Eric Bernard : Les grandes Traversées c’est comme une grande boîte à outils…
C’est donc tout un tas d’outils que chacun peut utiliser pour créer son univers propre et singulier…En plus clair (du moins je l’espère…) c’est un moment de l’année confié à un Artiste d’aujourd’hui, plutôt émergeant et de disciplines artistiques très variables qui vont de la danse aux arts plastiques en passant par la vidéo le cinéma etc.… De toute façon tout cela c’est la même chose si on ne les considère pas comme des finalités mais des moyens. L’ouvre globale réalisé par l’Artiste invité parle du monde qui l’entoure et de tout ce qui fait sens pour lui. En gros c’est une immersion totale dans la création d’aujourd’hui, sous toutes ses formes et aux 4 coins de la planète

La Singette : La danse moderne et ou la danse contemporaine, c’est quoi au juste l’astuce ? A quoi ça peut bien servir d’aller voir des gens se mouvoir sur une scène alors qu’il existe un petit écran de plus en grand et qui prend de plus en plus de place au foyer, avec ses chorés chiadées made in star acte ou autres bastringues calibrés qui sont à la figuration le bon plan des Claudettes derrière les chaussettes de l’archiduchesse ? Tu peux m’expliquer l’utilité de la chose et comment tu te situes dans ce petit monde de la scène vivante des corps en mouvement ?

Eric Bernard : Voir des danseurs sur un écran de TV c’est comme photocopier un livre, ou avoir une reproduction de la Joconde dans son appartement…Cela y ressemble mais ce n’est pas du tout la même chose. Ou alors c’est pareil, mais sans l’émotion… Sans émotion pas de vie et sans vie…De plus les formes artistiques que nous accueillons sont très rarement montrées à la TV et quand elles le sont, c’est généralement dans des chaînes thématiques qui ne sont pas grand public. C’est un paradoxe mais ces formes artistiques ne sont pas grand public simplement parce qu’elles ne sont pas assez diffusées. C’est plus leurs interprétations que leurs contenus qui les rendent inaccessibles. Je défends l’idée, même si cela peut paraitre démagogique, que le public est exigeant et a du discernement. C’est un problème d’offre plus que de réception d’offre.

La Singette : Et puis quoi encore, t’es plouc ou quoi de t’enfermer dans cette région paumée du Médoc d’un certain point de vue « De loin on dirait une île », comme le titre du dernier opus d’Eric Holder ? Je ne sais pas moi, mais Pantin, ça à plus de gueule que Bordeaux au bord de l’eau ! Non mais sans dec, il existe un Centre national de la danse du côté de Paname où des messieurs et des mesdames prout prout de mammouth viennent délirer sous la moumoute en zieutant quelques ziguettes ou zigues qui se dézinguent le corps sur scène. C’est bath de chez bath !
L’an passé, lorsque j’ai assisté à la 7 ème édition des « Grandes traversées » à la Base sous-marine de Bordeaux, je n’ai pas ressenti ce snobisme à la mode pour bobos déphasés. Déjà il y avait moult jeunesse en goguette. A quoi tu attribues le fait que le public à la fête varie des varices entre deux hémisphères éloignés d’à peine moins de 700 bornes ?

Eric Bernard : Plus les Artistes ont du talent plus ils sont de l’humilité et plus ils sont en capacités à communiquer avec des publics larges. Dostoïevski a dit que « le beau sauvera le monde… », mais ça c’est l’affaire de toutes et tous. Les arts contemporains montrent plus qu’ils ne démontrent et dans cette logique, à partir du moment où les cœurs parlent aux cœurs tout peut se mettre en marche.

La Singette : Puisque désormais tu crèche dans le Médoc et que le blase de cette région m’inspire des cépages, le crû fin 2008 / année 2009 des « Grandes traversées » sera-t-il un bon crû et en quoi justement dans ta quête toujours renouvelée dans l’innovation exprimeras-tu des variations avec les précédents ?

Eric Bernard : C’est une édition gonflée du fait des programmations ultra jeunes et jamais accueillies en France, ultra gonflées sur la période et c’est ultra gonflé de présenter autant en si peu de temps. Mais c’est toujours pour nous le meilleur moyen de rester en vie que de renouveler sans cesse nos pratiques. Il fait faire attention a ne pas vieillir plus vite que le public et les artistes. De toute façon, je ne peux pas travailler autrement, je m’ennuie très vite… Cette édition est donc une excellente occasion de se connecter avec tout ce qui se fait aujourd’hui aux quatre coins de la planète et dans toutes les formes artistiques

La Singette : Tu peux nous présenter ton équipe et nous dire comment tu bosses d’une année sur l’autre un projet à concrétiser ?

Eric Bernard : Le concept de notre équipe a une forme plus horizontale que pyramidale...Cela veut dire que chacun doit faire ce pourquoi il est responsabilisé sans rapport de subordination ou d’autoritarisme. Chacun avec les autres et ensemble pour faire avancer le projet. D’ailleurs le public est lui-même dans l’équipe à sa place de public tout comme l’artiste qui lui est présent partout… C’est peut être un peu flou mais c’est cette dimension d’équipe très large qui doit créer le concept de communauté agissante. Juste une pensée particulière pour Virginie avec qui je partage tout et même beaucoup plus !

La Singette : Est-ce que tu penses que la danse contemporaine a sa place à l’école élémentaire et dans l’enseignement secondaire et qui plus en est dans le Médoc, région paumée et enclavée par l’excellence de la richesse de sa géographie et sa population qui aspire peut-être à une autre réalité que ce nouvel apport culturel ?

Eric Bernard : La danse à l’école ou les arts à l’école est une question qui ne doit pas se poser. C’est normal, indispensable et légitime dans tous les milieux et toutes les géographies sans exceptions. De manière plus complexe, mais plus intéressante je le crois, la discipline artistique n’a pourtant pas de sens si elle n’est mis en regard avec les autres. Les questions et les apprentissages qui se posent à l’école et surtout à l’école primaire sont des stades cruciaux, où tout se croise et se noue. Pour moi donc l’économie ne peut se comprendre sans son interaction avec la géographie, les maths avec la poésie et l’histoire, le français avec les autres langues, la physique, la danse et l’anatomie, la musique et l’histoire etc.…C’est l’opposition entre le sectoriel et le transversal. C’est un peu commun mais pour moi tout est transversal et rien ne s’explique ni ne se comprend isolément. L’apport culturel cela ne veut rien dire. C’est un droit pour tous et sans légitimité économique. De toute façon tout ce qui est vraiment important ne s’achète pas.

La Singette : Comment réagissent tous les artistes du monde entier que tu invites à fouler le sol aquitain, voir même goûter le Médoc par la boutanche de l’estuaire de la Gironde et l’océan Atlantique si toniques pour les esprits et les corps ?

Eric Bernard : Ailleurs meilleurs est aussi une idée préconçue… Les Artistes que nous accueillions sont toujours en mouvement aux quatre coins de la planète, à vivre entre trois hôtels quatre avions et deux fuseaux horaires… Ce qui a émerveillé Jared Gradinger notre prochain invité, c’est la singularité d’un pays qui semble perdu et oublié de tous sans rien, alors qu’il a peut être le plus important : sa poésie et sa sincérité (géographie et poésie, voir ma réponse précédente).
Ce bout des terres, ou le début en fonction du sens dans lequel on le regarde a une force créative inouïe. Je pense que les grandes aventures, sociales, humaines, esthétiques ; mais tout cela c’est la même chose ; de notre époque sont à vivre et se créeront là où on ne les attend pas, justement parce qu’elles vont s’inventer d’elles mêmes sans les contraintes ou les prismes formatés des lieux où elles sont attendues. C’est l’histoire de la nature et du vide et encore une du monde et du beau…

La Singette : Est-ce que tu pourrais envisager vivre et partager une manifestation culturelle dans le Médoc avec des artistes de la plume, d’en avant la zizique comme aurait dit l’ami Boris Vian ou autres domaines et selon quelles modalités ?

Eric Bernard : je ne l’envisage pas, nous allons le faire l’été prochain…Entre deux rives ! St Vivien, Talais, Grayan, Soulac et Royan pour la deuxième partie de projet de Jared Gradinger « How do you are part 2 », à suivre ….

La Singette : Si tu as quelques chose à ajouter, surtout n’hésite pas ce sera avec plaisir.

Eric Bernard :
www.lesgrandestraversees.com, merci et à bientôt !

Pour sûr j’irai et même qu’avant les dates des 30 et 31 décembre, je proposerai aux lectrices et lecteurs du Mague quelques mots à propos de la programmation riche en couleur.
Et puis pendant que j’y serai, vous aurez droit également à ma plongée sans aucune apesanteur pour un autre article relatant ma visite en ce lieu magique qu’est la Base sous-marine de Bordeaux où se déroulera le nouvel épisode des « Grandes traversées : Tanz Marathon Nacht Theater du 30 décembre et le Count partydown happy new year ! du 31 décembre.












Les Aventures du prince Ahmed, à la fois conte fantastique et film en silhouettes de Lotte Reiniger qui ravira les petits et grands











Le 2 mai 1926 est projeté pour la première fois sur les écrans à Berlin, Les aventures du prince Ahmed , de la scénariste et réalisatrice Lotte Reiniger. De ce film en silhouettes de papier découpé émergent les personnages filmés en noir et blanc. Les images seront ensuite teintes dans un bain de couleur. Trois ans furent nécessaires à son auteure aux doigts de fée pour créer ce chef d’oeuvre inspiré librement des contes des Mille et une nuits. Enfin, il nous est possible de visionner aujourd’hui en DVD, après une restauration en 1999, la nouvelles version neuve du film recoloré et resonorisé. C’est aussi très certainement l’un des ancêtres du film d’animation. Blanche neige de Walt Disney (1938) à côté peut aller croquer sa pomme et croire au prince charmant. Non, mais franchement !



A raison de plus de 300 000 images animées les unes après les autres à un rythme effréné de 24 images secondes, Lotte Reiniger (1899 / 1981)découpait les doigts dans le nez dans du papier Canson noir les silhouettes au ciseau (animaux, paysages, monstres, personnages…), qu’elle attachait par un clou pour en actionner les membres avec panache, selon le principe des ombres chinoises où seul le profil le plus expressif était pris en compte. Une caméra 16mm était fixée dans les hauteurs à un mur et zoomait plein pot les silhouettes reposant sur une table plaque en verre éclairée avec un éclairage succinct, juste quelques modestes ampoules en contre-jour. A ce cérémonial déjà complexe qui demandait une dextérité extrême s’adjoignaient des éléments en pâte à modeler, du sel, des maquettes en trois dimensions et d’autres trouvailles plus chiadées les unes que les autres. Pour vous donner une idée : « Voici une table avec une ouverture au centre qui est couverte par une vitre. Je prends du papier transparent sur lequel sont déposées les poupées qui doivent être très à plat. La caméra filme verticalement. Préalablement nous faisons des essais d’éclairage. Cela est très simple. Les moyens étaient assez rudimentaires et plutôt imaginatifs », oui plutôt, et déjà pas frime chère Lotte qui filmait dans une mansarde de Postdam !








Ce sont ces mêmes ombres grossissantes qu’affectionnaient aussi à l’époque les cinéastes expressionnistes, (Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, 1919 / Nosferatu le vampire de F. W. Murnau, 1922 / Dr. Mabuse de Fritz Lang, 1922)…, que Francis Ford Coppola au tout début de son film « Dracula » utilisera sur le champ de bataille de son écran. Jean Renoir ne s’y était pas trompé lorsque affectueusement il surnommait Lotte Reiniger : « La maîtresse des ombres ». Ah ! cette fidèle amitié entre Jean et Lotte ne se démentira pas. C’est elle et son équipe qui concevront la séquence du théâtre d’ombres du film La Marseillaise de Renoir !
Lotte est d’abord une plasticienne avant de s’afficher cinéaste. Comme ses collègues du mouvement Dada ou issu de l’expressionnisme, elle déclara la guerre ouverte au classicisme et vaqua à ses occupations de créatrice dans une optique ouverte aux nouvelles techniques expérimentales d’avant-garde en Allemagne des années 1920. Il n’y a qu’à voir l’entrée en matière avant-gardiste du film dans la fusion des formes abstraites pour s’en convaincre. Tout est mouvement des corps dans une chorégraphie orchestrée par la musique de Wolfgang Zeller qui collait son tempo à l’image.





Tout comme Murnau et Lang, elle intégra les cultures et traditions artistiques de pays très différents. Le prince Ahmed voyage au grand partage des arts islamiques, juifs, japonais, chinois dont les dessins évoquent la calligraphie arabe…. Tout comme la fameuse œuvre littéraire des Mille et un nuits dont il s’inspire au fil du récit où les chapitres en provenance d’Egypte, de Perse ou de Bagdad ajoutaient leur petit grain de sel et ne manquaient assurément pas de zèle.
L’histoire toute simple en cinq actes est semée d’embûches pour ses héros :
Il était une fois… Dans la ville du calife… Un jeune prince Ahmed… Qui s’envole sur un cheval volant… Et atterrit au pays lointain de Wak-Wak. Là il tombe amoureux de la belle Pari Banu. Mais il doit affronter son plus terrible ennemi : Le Mage africain….









Ce film n’aurait jamais vu le jour sans cette équipe soudée autour de Lotte Reiniger, Carl Koch à la prise de vue qui deviendra son mari, Berthold-Bartosch aux effets spéciaux et Walter Ruttmann pour les arrières fonds qui étaient manipulés séparément des personnages ! Rien que ça !
Un grand merci à vous tous.









La merveilleuse Hanna Schygulla, le Bartos avait admiré le regard et la voix charmeuse de la belle comédienne sur scène de la Ferme du Buisson, qui prêtait le timbre et son accent français craquant lors du spectacle intitulé Elle ! Louise Brooks, autour du film muet Journal d’une fille perdue. Louise l’insoumise et Hanna l’égérie du regretté Rainer Werner Fassbinder réunies, vous ne pouvez pas imaginer l’émotion…. C’est encore Hanna la belle qui offre sa tonalité aux différents personnages des Aventures du prince Ahmed dans la version française et pour celles et ceux qui apprécient la lecture de l’allemand, une version sous-titrée en français vous est aussi proposée.





Petit clin d’œil au cinéma d’animation actuel, Michel Ocelot, créateur entre autre de la saga des Kirikou, je ne pense pas que ce soit un hasard s’il reprenait la technique de Lotte Reiniger dans son film Princes et Princesses, technique qui lui était imposée par manque de budget.
Si j’égratigne volontairement Walt Disney dans l’intro de mon article, c’est que ce dernier n’a jamais eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il avait carrément copié Lotte dans la scène de Merlin l’enchanteur où Merlin affronte Madame Mime. Chez Lotte Reiniger, il s’agissait du combat à mort entre le mage et la sorcière pour entrer en possession de la lampe merveilleuse. Ces deux personnages scandent sur le pouce une danse de la transformation qui passe de vie à trépas, du serpent au rapace ou autres créatures marines du monde des fantasmagories.





Les Aventures du prince Ahmed, un chef d’œuvre désormais plus en péril puisque gravé en DVD selon un nouveau master restauré. Soit 66 minutes époustouflantes tant dans le rendu de l’image que le récit fantastique nous est offert à partager par toute l’équipe de Lotte Reiniger. Cette femme digne et émancipée dans son art ne courba jamais l’échine devant les nazis. Le couple Reiniger / Koch proche en amitié de Bertolt Brecht s’exila en 1936 à Londres où Lotte fonda sa société cinématographique : la Fantasia.
Même si quelques-uns la considèrent comme une créatrice presque naïve de part son œuvre qui tournait autour de contes et musiciens connus, il n’empêche son travail et son ouverture au merveilleux avec les maigres moyens matériels qui étaient les siens ne démentent pas son originalité, sa singularité et son perpétuel chemin en recherches appliquées dans son processus d’innovations, mis en forme de ses seules mains avec du papier et une paire de ciseaux. CHAPEAU !
Ne manquez pas non plus les suppléments proposés qui sont tous aussi intéressants que le film pour comprendre et s’immerger dans la création de Lotte à son époque.





Les aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger, film de silhouettes distribué par Carlotta Films, depuis le 19 novembre 2008





DVD collector : le film version française racontée par Hanna Schygullla ou le film sous-titré en français.





SUPPLEMENTS : Ahmed, vision d’occident (19 minutes) par Hervé Joubert-Laurencin / L’art des silhouettes de Lotte Reiniger (1970 – couleur et noir et blanc – 15 minutes) / + 5 courts-métrages de Lotte Reiniger de 1928 à 1956 / inclus : un livret de 16 pages inédit et très documenté





DVD coffret collector limité 2 DVD
DVD 1 : idem film et suppléments
DVD 2 : Hommage à l’inventeur du film de silhouettes (1999 – couleur et noir et blanc – 59 minutes), un film de Katja Ragannelli. Un documentaire d’exception retraçant l’ensemble de la carrière artistique de Lotte Reiniger. / + 13 courts-métrages de Lotte Reiniger de 1928 à 1956 / inclus : 1 supplément caché, du style cartes postales, poster, albums de coloriage et crayons de couleur…







lundi, décembre 08, 2008

Dick Annegarn : Soleil du soir, nouvel album blues folk guitare, fresque chaloupée


Le grand Dick Annegarn nous revient à l’aube d’un Soleil du soir avec onze titres à la clé des champs. Il surpasse une fois encore le spleen du compositeur auteur chanteur devant son œuvre sans cesse renouvelée. Tout est toujours à recommencer à zéro : « J’apprends encore aujourd’hui à faire des chansons et je n’ai toujours pas trouvé de solution idéale ». Encore heureux puisque Dick nous étonne à l’écoute de son nouvel album au phrasé décapant.



Depuis son album Plouc fameux fanfaron en fanfare millésimé 2005, installé dans cet agréable Sud-Ouest il n’est pas avare de mots. C’est lui le fraternel organisateur du Festival du verbe en Haute-Garonne qui brasse les enfants des écoles aux ancêtres toutes les générations confondues à l’aune des langues qui swinguent l’enchantement des voix.
Il n’a pas fini de s’enterrer quelque part. De son Bruxelles d’adoption, à Lille, Nogent sur Marne où il crécha péniche la Gueuse déglinguée, un bled du Maroc… nomade musical apatride il traîne sa carcasse dégingandée. Et ne me surinez pas ses origines hollandaises, la honte du territoire plat aussi plat qu’une assiette où il suffit de t’asseoir sur une chaise et tu aperçois l’autre bout de rien du tout du pays !
En 1978 à la Maison des Arts de Créteil, il nous invitait à ses adieux au show-business et à la société du spectacle. Il avait pondu une plaquette textuelle militante que le Bartos garde au chaud dans ses cartons. Son œil étincelle lorsqu’il se remémore l’un des deux concerts de Dick : De ce spectacle sur terre. Tu m’étonnes, il avait convié entre autre sur scène la famille des frères Marcoeur. A votre bon cœur Albert… Je ne veux pas de la vie d’une star au noir (Soleil du soir).
Même que le Bartos le considère un peu comme son frère aîné le Dick, c’est pour vous dire la complicité entre ces deux là. Pas le style de frère à la Maxime le Forestier de son album premier, morbide à souhait comme son auteur qui à court de chants et de sons s’inspire de Brassens ! Non, un frangin avec qui partager des souvenirs d’enfance pas triste. Je ne sais pas, mais moi je ressens dans son Soleil du soir, un certain folk blues, comme la recherche chez Dick d’une fratrie guitaresque qui aurait trouvé un manche arabesque à ses cordes en la personne de Freddy Koella. Presque koala, il se nomme le zigue, c’est dingue ! Excusez du peu, « un alsacien émigré en Californie qui a accompagné Bob Dylan et Willie Deville et ce fut une joie terrible de jouer avec lui. La magie de cet album vient de la rencontre entre deux guitaristes » s’enthousiasme Dick.
35 ans de carrière, ça laisse des traces ! Le Tribute album Le Grand dîner en 2006 avait convié à la table des bobos de sévices et service compris, les Bénabar, Souchon, Boogarts et tout le grand bazar, comme pour enterrer la vie de garçon de Dick. C’était pathétique ! Même de vie à trépas, François Béranger a eu droit à cet arrangement avec la mort. Bordel, Dick Annegarn est bien vivant ! Il nous le prouve comme Kent à chaque nouvel album où il se remet à en question, donc en danger, pour le plus grand plaisir de son public qui se se réjouit d’une nouvelle facette du personnage haut en couleur.



Monsieur Dick s’astique le phrasé dans Quelle poule pond tant, O joie de retrouver le pourfendeur de la langue franchouillarde, l’inventeur créatif. Un hollandais volant de ses propres ailes à jacter la langue de Rabelais, ça ne s’invente pas. Heureusement qu’il existe encore des personnes qui prennent des libertés avec le verbiage hors de ses cages dorées.
Brel, le Jacques est aussi à l’honneur en titre deux. « C’est le Brel gitan que j’aime, celui qui négociait ses concerts au jour le jour. Il partait comme ça avec son équipe sans savoir où il allait chanter le lendemain ». Il tutoie aussi la palette existentielle du Théo à son frère de mouise.
Stupeur et jouissance, Décadons qui clôt l’album, clin d’œil à la Transformation de ses premiers balbutiements, que c’en est trop bath ! Comme s’il voulait par cette faribole savante dessiner une boucle dans son œuvre conséquente et riche…à suivre sans impatience. Laissons l’auteur musicien en phase avec sa création. Pas de doute, c’est reparti pour un tour. Pas de date, c’est pour la vie, pour toujours… avec le Bluesabelle.




Bonne route Monsieur Dick à la revoyure de ton public en accord parfait avec tes musiques. Pas de doute, il vieillit bien l’adorable bougre ! Chiche : D’abord un verre ! Un bon crû cet album, je vous assure. A la musique de nos voix. Tout est si doux si désirable. Qu’s’en est une grande joie. (D’abord un verre)



Dick Annegarn : Soleil du soir, dans les bacs depuis le 3 novembre 2008, distribué par Tôt ou Tard
D’abord un verre / Jacques / Quelle poule pond tant ? / Dernier village / Soleil du soir / Bluesabelle / Sans famille / Blues de Londres / Théo / Soldat / Décadons
Paroles et musiques Dick Annegarn







vendredi, décembre 05, 2008

Gens du Médoc : le terminal méthanier du Verdon a été déclaré irrecevable en l’état, à suivre la suite du combat pour son retrait pur et simple !


Mardi 2 décembre 2008, à l’assemblée nationale lors d’une question orale de Didier Quentin député maire de Royan, ce dernier s’est vu signifier la décision préfectorale par Hubert Falco secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire de déclarer irrecevable en l’état le projet du terminal méthanier au Verdon.
Rien n’est gagné pour autant et rien n’empêche la société hollandaise 4gas de revoir sa copie et de se représenter en respectant cette fois la loi du littoral qui prévoit de ne pas construire à moins de 100 mètres du rivage. L’école publique du Verdon appréciera.
Si seulement les fonds d’investissement Carlyle qui supputent ce projet pouvaient profiter de la Crise économique et rendre ses billes sur le billot du poumon médocain. Vive la Crise ce serait, car ce projet ne tient pas la route du fumet économique qu’il promet. Les populations concernées des deux rives ont assez gueulé haut et fort « On n’en veut pas », qu’elles se fassent enfin entendre, une fois pour toute !
Pour plus d’informations sur le dossier, lire sur le Mague mon interview de Jean-Marie Andreux porte-parole de l’association médocaine « Une pointe pour tous » et se rendre sur le site de cette association.
Nous restons et resterons mobilisés plus que jamais et continuerons le combat jusqu’à la disparition du projet dans les oubliettes des torchères.

A suivre…. !

Sources : Sud-Ouest du mercredi 3 décembre en page 11


« Allemagne, mère blafarde » : le destin sans concession d’une jeune mère courage sous les couleurs de la cinéaste Helma Sanders-Brahms







« Allemagne sœur blafarde, tes enfants veulent vivre, comment faire pour vivre en coupant ses racines ? Est-ce qu’on peut oublier ? L’oubli n’existe pas. Est-ce qu’on peut comprendre ? Savoir ne suffit pas. Pour vivre il leur faut reconnaître leur mère. Pour grandir dans son ventre, surgir du chaos. Tes yeux blancs révulsés ne connaissent plus les larmes. Ton ventre a mis au monde ta propre exécution ». (François Béranger in « Allemagne », album « Exterminator, 1992).


Une simple et banale histoire d’amour au demeurant entre Hans un scribouillard pas encarté au parti nazi et Lene une jeune femme qui aspire à la pureté de l’âme. Sous le ciel plombé des années 30, ils se marièrent et il y eut la guerre. Entre eux, le front de Pologne se gela les pognes et les repères de l’homme battirent la savate. Sous les bombes, Lene donna naissance à Anna. Lors de ses rares permissions l’homme et la femme devinrent presque des étrangers. Lorsque la maison s’écroula, la mère et l’enfant prirent le chemin de l’exode. Le climat s’érodait. L’Allemagne tapinait sur un champ de ruine.
Lene survécut à toutes les sortes de souffrances dues à la barbarie des hommes en uniforme, dans ce monde peuplé de « L’histoire des femmes qui ont fait que la vie continue, pendant qu’on occupait les hommes à tuer » (Helma Sanders-Brahms). Elle se dévisagera en fin de parcours une mine effacée, blasée par son existence, sans autre amour que celui de sa fille.






Helma Sander-Brahms filme avec ses tripes comme s’il s’agissait de son histoire à elle. Elle naquit en 1940. Telle Anna, elle est une enfant de la guerre. Cette cinéaste est en verve. A 29 ans, ce sera le déclic. Après une rencontre avec Pier paolo Pasolini lors du tournage de Médée, elle rentra précipitamment au bercail. Elle jettera la bague de fiançailles de son amoureux, lui crachant à la tronche sa liberté de créatrice : « Je vais faire des films. L’art est possessif ; quand on se mêle d’art, il vous absorbe. Il faut tout lui donner, tout, tout ». Cet art, son art atteint des proportions à la limite du documentaire Il y a ainsi cette scène mémorable entre un môme en loques de l’époque à la recherche de ses parents qui dialogue avec Lene dans un jeu de champ contre champ, si bien que l’on ne sait plus si l’on se situe encore dans la fiction. C’est aussi dans la seconde partie du voyage au bout de la nuit et du brouillard que Lene effacée, timide révèle sa part d’ombre : « Plus ça va mal plus je chante » Une coccinelle apprivoise son doigt à l’annonce sur les ondes du Führer qui ne fait plus fureur. Parvenue avec Anna à Berlin dont il ne reste presque rien, Lene se compare à des sorcières sur les toits. Dans les moments de disette et de scories climatiques hypothermiques, elle récite en boucle à sa fille un conte des frères Grimm peuplé d’assassins raffinés. Anna ne s’apitoie pas plus que cela sur un cadavre en décomposition. Sa curiosité enfantine l’emporte. Elle dit à sa mère « Je veux voir ». Les usines désaffectées qui leur servent de refuge dressent deux grandes cheminées qui ressemblent à d’autres, de sinistre mémoire






Helma Sanders-Brahms donne à voir, avec l’optique de toute une génération fameuse de cinéastes allemands des années 70 qui voulurent comme elle, crever l’abcès du poker menteur qui consistait à se voiler la face en famille sur les moments les plus macabres et destructeurs de l’histoire allemande. Ce sentiment de culpabilité, l’écrivain Horst Krüguer auteur du titre emblématique « Un bon Allemand » (1976), l’exprime parfaitement : « Je suis un fils typique de ces allemands inoffensifs qui n’ont jamais été nazis, mais sans qui les nazis ne seraient jamais arrivés à leurs fins ». Du constat de cette relation ambiguë avec la mère patrie (Vaterland), nom neutre en allemand, Helma Sanders-Brahms rend un vibrant hommage à sa mère biologique : « Mon histoire est celle d’un conflit entre mère Allemagne, le pays où je suis née qui sème alors partout la guerre en Europe, et une femme que j’aime, ma mère Lena qui a traversé son époque avec un courage extraordinaire ».
Un coup de chapeau à son héroïne interprétée de façon magistrale par Eva Mattes.
« Allemagne, mère blafarde », un film où ne souffre aucune poussière dans l’œil de Lene et, qui en guise de rides, prône l’autonomie des femmes dans la vie quotidienne vis-à-vis des hommes, y compris en temps de guerre et en temps de paix.
Sortie au cinéma le 10 décembre 2008 avec des copies neuves, le film d’Helma Sanders-Brahms qui date de 1980 est une œuvre majeure d’autobiographie fictive dédiée aux femmes, pour ainsi dire seul rempart à la folie meurtrière de « quelle connerie la guerre » des hommes.

« Allemagne, mère blafarde » (1980), durée 2 h 05, réalisation et scénario : Helma Sander-Brahms avec Eva Mattes, Ernst Jacobi, Anna Sanders, distribué par Carlotta Flims

Actualité DVD : « Sa majesté des mouches », film de Peter Brook d’après le roman de William Golding ou la liberté de filmer sans filet





"Si l’on veut rester libre en tant que réalisateur, il faut faire le film le moins cher possible. (…) Aujourd’hui, avec les caméras numériques, cette liberté revoit le jour. C’est la possibilité de faire un film comme on l’entend. Un film est finalement l’œuvre d’un auteur qui est le réalisateur » (Peter Brook, in le Cinéma en liberté, en supplément du DVD)
Frédéric Vignale en tant que réalisateur, je suppose ne contredira pas cette vérité de Peter Brook !



Quand Peter Brook réalise ce premier long métrage noir et blanc en 1963, après une existence déjà riche dans le milieu des planches, inspiré par le Théâtre de la cruauté d’Artaud, il s’attaque à un roman de Golding (1954), pour le moins polémique de part ses multiples pistes de lecture.
Le thème : Suite à la chute sur terre d’un avion contre son grè, une vingtaine d’enfants de la haute société anglaise prennent pied en bonne santé sur une île déserte. Ils s’organisent pour survivre. Mais bientôt, un chef charismatique ne se sent plus bouger les tiques d’avoir à sa botte une petite troupe dévouée à son autorité et c’est la sauvage et violente existence qui prend son fade.
Moi qui suis une Singette indomptée et rebelle, guère éduquée, ce thème me botte, n’en déplaise au Bartos et à tous les humanos qui se réclament à grands cris de la civilisation comme trait d’union.
« C’est un sujet tout à la fois un mythe, c'est-à-dire qu’il dépasse la lourdeur et les limites du naturalisme, mais qui reste proche de la vie réelle. Il ne s’agit pas du mythe au sens abstrait du terme mais d’une chose qui nous touche. En le lisant, j’ai vu que Golding avait choisi de parler d’humanité pas de façon abstraite, mais à travers l’histoire d’enfants ordinaires et reconnaissables vivant une situation peu commune mais plausible. Ils sont naufragés d’une île déserte. C’est une idée remarquable » (Peter Brook, in le Cinéma en liberté, en supplément du DVD).

Là où la littérature s’emberlificote son armure dans la limite des mots, Peter Brook filme avec son équipe réduite à la portion congrue et mobile dans la nature luxuriante à Porto Rico sur l’île de Vieques. Il reste fidèle à Golding en nous offrant des images d’une surprenante réalité. Il confère le caractère des enfants exaltés et chamboulés par leurs pertes de valeurs à se vivre en Robinson cyniques et dangereux pour leurs prochains, au nom d’une improposable captation du mystère de la bête qui hanterait les parages de cette île, dixit le clan majoritaire des chasseurs.
A ce propos et selon une scène d’apothéose qui a dressé les cheveux du cinéaste lorsqu’il l’a tournée. Plus sauvage tu meurs : « Plus tard, arrive la scène du meurtre. Le fait de la tourner de nuit, avec les flambeaux et les sons des tambours a rendu les garçons fébriles. Ils étaient déjà crasseux et ravis d’être dans cet état-là, avec les cheveux emmêlés. Ils n’avaient pas eu accès à la mer pendant des jours. Ces enfants exécutaient soudain une danse guerrière, leurs visages couverts de peinture chantant comme des sauvages. (…) Je me souviens jadis d’avoir pensé quelque chose d’horrible. Si l’on avait pas eu une équipe dévouée d’assistants, qui gardaient les enfants, veillaient sur eux, les contenait pour qu’ils ne deviennent pas sauvage au bout de trois mois, qu’ils fassent seulement semblant, si l’on avait pas eu cette sécurité, j’aurais saisi la réalité de l’histoire de Golding. Dans de vraies conditions, sans doute en moins de temps que Golding leur en avait donné, ils auraient pu sombrer dans une réelle sauvagerie » (Peter Brook, in le Cinéma en liberté, en supplément du DVD).
Peter Brook sous-entend également que seule la culture peut nous permettre de garder le contrôle de nos pulsions et il dénonce aussi la violence mortifère et l’obscurantisme qui peut sévir en cas d’extinction d’une civilisation. Ce sont quelques interprétations parmi tant d’autres ! Une autre analyse liée aux motifs religieux est empruntée à certaines scènes du film. Ne serait-ce que par le titre du film qui est une référence au diable dans la culture anglaise. Trop drôle également, la procession des enfants de chœur à la croix de bois au début du film qui se révèleront des barbares affranchis de leurs dogmes en vénérant un dieu mystérieux, suite à la chasse d’un cochon et au trophée de sa tête plantée sur un pique, digne des prouesses de Vlad Tepes fils de Vlad Drakul qui inspira le personnage de Dracula à B.Stoker. Il y a aussi le personnage de Piggy, le porcinet de sévices du groupe, nommé ainsi pour sa surcharge pondérale, doué de raison et de réflexions et binoclard de surcroît. La guerre du feu passera par les verres de sa monture ou trépassera, c’est Jack du clan des chasseurs qui vous le dit. En revanche, Ralph pose pour une certaine forme de pacifisme démocratique au sein de la communauté et il sera bientôt abandonné du groupe voir chassé au sens trivial du terme.


Après avoir visionné ce film clé de l’île des cauchemars meurtriers, libre à vous de penser ce que vous voudrez. Peter Brook vous laisse la part belle de palabrer à plusieurs et d’échanger à propos des sensations coups de poing dans la gueule à la vue des scènes à l’écran qui ne vous laisseront pas indifférentes. Effets spécieux, spéciaux s’abstenir ! Comme je l’ai déjà dit Peter Brook travaille à la finesse de l’économie, un cinéma léché et de qualité.
Sans compter, la cerise sur le gâteau de Carlotta Films, le cadeau dans sa partie DVD-Rom, outil précieux pour les enseignants qui auraient le désir de se lancer à l’analyse du film en classe. Tous les aspects techniques (montage, story-board du générique, structure narrative, montage…) sont abordés de façon interactive.


« Sa majesté des mouches » (1963), film de Peter Brook, durée du film 87 minutes, DVD octobre 2008, nouveau master restauré, distribué par Carlotta Films, sous-titres français / anglais, noir et blanc, avec James Aubrey / Tom Chapin / Hugh Edwards / Roger Elwin
Suppléments : le cinéma en liberté (32 minutes), dans cet entretien exclusif Peter Brook revient sur son coup de foudre pour le roman de William Golding, la préparation et le tournage du film, et sur la signification de son travail avec une troupe d’enfants
Partie DVD-Rom, élaboré sous la direction d’Alice Vincens (enseignante à l’ESAV Université de Toulouse II) en collaboration avec Dominique Galaup-Pertusa (enseignante à l’IUFM d’Albi), ce DVD-Rom, par son caractère interactif, permet le développement d’analyses croisées et interroge la rencontre du cinéaste Peter Brook avec l’œuvre de William Golding.
Bande-annonce



Egalement entre les pages : « Sa majesté des mouches » de William Golding, éditions Folio junior



Samedi 6 décembre 2008, François Angelier abordera le thème de l’enfance dans on émission Mauvais Genres sur France Culture entre 21 h et 22 h, avec entre autre le film « Sa majesté des mouches ». Qu’on se le dise au fond des chemises les esgourdes à l’écoute attentive !