samedi, août 11, 2007

Tempête au camping : « Il est encore là celui-là »


Bon, c’est pas tout les potos, j’ai fait un rêve. Je me suis réveillée en pleine nuit pour tout vous relater. J’ai pédalé et actionné l’énergie de l’ordi et je vous tape tel quel ce qui me vient.
Ca pourrait être le scénario d’un prochain bouquin du Bartos, car je vous ai pas dit que je suis la petite main qui allume une bougie dans son ciboulot rabougri.

Le lieu : moyenne montagne / un club et camping naturiste.


Les personnages :

La diva : une vendeuse de fruits et légumes à la criée sur les marchés en retraite qui a gardé le franc parlé des charretiers et le rire assorti. Elle chante un répertoire style « La chance aux chansons ». Elle impose sa physionomie élargie dans une robe bleu horizon. Durant les trois bouffes par semaine en commun, elle règne son ego gros comme une pastèque sur ses condescendants tubes digestifs qui lui digèrent le varech. Le reste du temps elle se compose un rôle de mamie gâteau. Son quart d’heure de gloire, elle parade environ quatre semaines par an. Le reste du temps, elle se morfond dans son cloaque de tête à claques


Hermann écrivain raté : il est tout seul, sa compagne vaque à ses activités avec des copines ou des copains. Elle fait ce qui lui plait et lui aussi. Depuis cinq ans il loue une caravane trois semaines et demi l’été. Il vient pour se ressourcer et se vider la tête de toutes les contingences de la vie quotidienne. Il ne cherche pas le contact mais le calme plat. Il est d’origine scandinave dégénéré. Dès le premier verre, c’est le type même du mec imbuvable en société. Végétarien décadent il végète son trop plein. Il écrit un article consacré à « La France invisible », ouvrage de sociologie du réel dans la ligne ouverte par Bourdieu et « La misère du monde ».


Le patron des lieux : Un montagnard bourru dans la force de l’âge. Il s’est pris d’amitié pour Hermann même si sa femme ne partage pas du tout ses sentiments. Quelques affinités électives ont surgi au coin des conversations. Ces deux-là se fréquentent et même s’écrivent des courriels.


Fil de fer : une vacancière taciturne pas gâtée par la nature. Employée de bureau, elle bourlingue dans le sillage de la diva et cherche à asseoir des fessiers féminins sur ses cuisses farfelues. Elle loue depuis belles levrettes un bungalow trois semaines en juillet.


Roc : c’est le montagnard, les genoux à la retape en pente douce. C’est le spirituel du groupe. Toujours en train de taquiner les cieux entre deux dégringolades de son esprit qui prend rarement son fade.


Flûte : c’est le surnom d’un type génial qui souffle dans tout ce qui est embouché et même des bouteilles il en tire du son. Il accompagne la diva.


Théo et Anita : un couple hollandais de joyeux drilles, la larme facile entre deux accords de guitare et de bile. Ils égrènent les standards : boy-scout toujours. La diva les accepte dans son cheptel des fidèles.


Martial : camping-cariste aguerri il a la côte part. Il se fond dans la troupe de la diva avec ses conseils désabusés.


Justin et Justine : un couple de bretons le sourire gercé aux limons. Ils obéissent au doigt et à l’œil de la diva. Ils sont ses petits soldats.


Les vacanciers de passage : hollandais / français, des familles couples ou hommes seuls ou femmes seules avec ou sans enfant.


Comme vous le savez, il ne se passe strictement rien dans les lieux aseptisés naturistes. Alors, il m’a bien fallu composer avec une intrigue.


L’intrigue : Au nom de toutes celle et tous ceux qui n’osent pas s’exprimer et ne participent plus aux repas en commun, Hermann, un soir de couscous catalan, exulte les relents de son ras le bol à haute et intelligible voix de subir les jappements pour rester poli de la diva et de ses fans.
Ce fut l’onde de choc à l’échelle de ce lieu paisible paradisiaque et isolé qui secoua le cocotier de ses à-côtés et fit déborder l’eau du vase clos. En effet, depuis cette date à marquer d’une pierre blanche, Hermann est devenu la risée de toute la communauté constituée des anciens et des membres du club naturiste. Dans ce contexte village people, la langue de serpent de la diva y alla de sa charge héroïque mais pas seulement. Les oreilles ignares d’une quelconque personnalité qui acceptérent sans réfléchir ses propos à charge et sans aucun esprit critique y sont aussi pour beaucoup.


D’une année sur l’autre, Hermann est revenu malgré tout le passif qui est le sien. Il était taxé ouvertement d’un : « Il est encore là celui-là » par la diva repris en chœur par son cheptel à son sabot.
Le patron lui fit dire : « Tu jettes un froid ». L’écrivailleur qui entendait les mots selon les consonances retint effroi et froid. La température était clémente, alors il s’attacha à la première parentèle : effroi signifie grande frayeur, autrement dit il faisait très peur. Il était un monstre dangereux qui s’ignorait. Docteur Mabuse si je m’abuse es-tu là ? Il s’aperçut alors que les comportements à son égard avaient évolué. On l’ignorait. On le fuyait. On ne lui adressait plus la parole ni un simple bonjour quand on le croisait.

Roc l’invita à dîner du poisson et se décommanda d’une semaine sur l’autre sans donner aucune explication plausible. Gavroche, le fils du patron, gamin éveillé l’évitait et glissa même un secret à l’oreille d’un de ses potes en désignant Hermann. La diva toujours accompagnée éclatait de ses rebuffades en rasades hystériques lorsqu’elle croisait le fer de son regard alambique.


Hermann, pour sauvegarder sa tranquillité puisque aucun dialogue n’était plus envisageable avec quiconque au camping, décida de boycotter tous les repas collectifs et vécut sa vie à l’écart en chantant à tue-tête cette chanson de Mahjun :
« J’suis martien / J’ai dû me tromper de planète / Quand on est différent / On n’a pas forcément tort / J’suis martien » (« J’suis martien » par Jean-Louis Mahjun in l’album « Par les temps qui courent », 1979).


Le malaise pouvait aussi provenir du fait qu’il était devenu certes un martien pour les autres. En même temps il revêtait une enveloppe humaine qui ne donnait pas l’impression outre mesure de s’intéresser à ses semblables ni aux femmes, puisqu’il ne cherchait pas des histoires. Les histoires c’est lui qui les écrivait, étant donné qu’il était aussi écrivain, donc un spécimen spécial hors norme.
Quand même… tous les bruits qui galopaient à son sujet… Malgré tout il était bizarre. Il avait un drôle de mode de vie en vacances. Il partait toute la matinée en bordure de rivière écrire des choses à la main sur un écritoire. Il revenait en début d’après-midi. Il mangeait, siestait et tapait tout ce qu’il avait écrit. Ensuite, il vaquait dans la montagne et revenait en début de soirée pour nager dans la piscine avec palmes, masque et tuba. Aussitôt la nuit tombée, il écrivait, écoutait de la zizique ou jouait de la basse.


Et c’est justement une nuit que tout a basculé !
Fil de fer se plaignit un matin qu’une ombre géante avait tenté de rentrer dans son antre pour la violer. La diva geignit qu’elle avait surpris un serpent dans son lit. Théo et Anita racontèrent qu’un sanglier avait dévoré un pan de leur tente. Roc déclama le ramdam d’Hermann. Justine et Justin avaient été dérangés par le moteur de leur voiture qui avait démarré tout seul.
Tous ces phénomènes pas normaux concoururent à ce que la bande de la diva organisa des tours de garde afin de se protéger. Ainsi, lorsque Hermann alla vider sa poubelle, Fil de Fer fut chargée d’autopsier la chose. Dès fois qu’elle trouverait des substances pas sorcier. Martial analysa le contenu des bouteilles jetées par Hermann.
Les tensions enflèrent comme une peau docile à la rencontre d’un furoncle gourmand. La pression et la sauvegarde du groupe eurent raison de l’amitié du patron pour Hermann. L’œuf du serpent couvait déjà sous roche. Il était déjà trop tard pour résoudre le conflit entre la diva et l’écrivain. Les rumeurs du prurit coururent à la vitesse d’un orage en montagne. Et c’est à la suite d’un orage mémorable qu’Hermann fut retrouvé clamsé dans sa caravane baignant dans son sang et la peau lacérée. Etonnant non ?


L’inspecteur Laviedure diligenté de la grande ville mena l’enquête pour ouïr toutes les suspicions. Le patron fut très embêté. Le sourire kabyle il connaissait. Ce n’était pas la publicité qu’il escomptait. Les fouille-merdes en rade d’un papier racoleur se radinèrent et orientèrent leurs projecteurs vers le camping tranquille des nudistes aux mœurs dissolues.


Ce phénomène d’ostracisme banal et de discrimination existe pourtant dans presque tous les groupes constitués. Le petit monde du naturisme n’en est hélas pas exempt. Les préjugés, la norme imposée par le plus grand nombre sur les minorités, tout concourt à rejeter le vilain petit canard pour sa couleur de pensée, de peau, son mode de vie, son amour de la liberté, sa différence exprimée etc…
Lors de ses études, le sociologue H. Becker a parfaitement analysé ce style de situation où le perdant « Outsider » est considéré comme personne anomique ou déviante par le groupe à partir du moment où il ne respecte pas les normes énoncées. Musicien de jazz black il s’est colleté à cette difficile réalité sans jamais se départir de la véritable richesse de sa singularité ni se faire bouffer par le groupe. A chacun sa « Mauvaise réputation » que n’aurait pas renié Monsieur Brassens !



Ce bon vieil Henri Laborit in "L'éloge de la fuite" explique que lorsqu'il y a un conflit entre deux entités, il existe plusieurs solutions. Prenons l'exemple d'un prof qui ne peut plus piffer son chef d'établissement qui lui cherche toujours misère. Soit : il prend sur lui et décide de l'ignorer. C'est alors que vont apparaître chez lui des troubles physiques ou psychiques et les ressorts de la pharmacopée que l'on sait chez les franchouillards les plus grands consommateurs de toutes ces saloperies. Soit : il lui fiche sur la gueule avec les conséquences que l'on sait ou soit encore il prend la fuite et se libère de la tutelle de tous ses emmerdements.


Rappelez-vous la chanson de Pierre Vassiliu et son personnage : « Qui c’est ce mec là ? » A la fin, il remonte dans son engin interplanétaire et ne remit jamais plus les pieds sur la terre. Il se peut que dans l’espace fraternel il croise le sillage du martien !


Rassurez-vous, ceci n’est qu’une proposition de fiction. La question justement est : la réalité dépasse-t-elle la fiction ?
Afin de garantir la susceptibilité de certaines personnes bien intentionnées, je vous joins la notule escomptée : toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant…. Puisque tout provient du fruit mûr de ma prolifique imagination simiesque et de mes observations neutres, étant donné que MOI je suis fière de ne pas appartenir à la gent des humanos fétides. Hors de vos jeux de rôle ridicules, MOI, je peux tout me permettre sans me compromettre.


Il n’empêche ça pourrait être une bien belle histoire que cette histoire saignante. J’aime la couleur noire en littérature. N’est-ce pas l’ami Jacques Prévert qui a inventé le terme de la série noire ? !!!! « Faut que ça saigne », in (« Le tango des bouchers de la Villette ») pas vrai Boris Vian ? Pour une fois qu’il se passerait enfin quelque chose chez le petit monde très fermé du naturisme. Qu’en pensez-vous ?


Je vais en parler au Bartos d’autant plus qu’il en connaît un rayon dans la chanson à texte :
« Avec moi les martiens / Avec moi les p’tits hommes verts / Faut qu’on se mettent à rigoler / Rien qu’pour emmerder / Ceux qui ont toujours raison / Les grands méchants moutons / Larguez tout c’est la panique / On va déménager / (« J’suis martien » par Jean-Louis Mahjun in l’album « Par les temps qui courent », 1979)







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