jeudi, septembre 28, 2006

lit / thé / rature : "Les Vivants et les Morts" de Gérard Mordillat mes quinquets




Bon, pour commencer, vous vous dites à moins d’avoir abusé du jaja : c’est qui le deuxième singe sur la photo ? En tout cas, c’est pas moi ! Si ce n’est toi, c’est donc ton frère m’achève le Franckos. Lui, celui qui est à la masse dans la tasse, c’est Sinjon, mon frangibus. Il adore que je lui raconte des histoires. Alors je me traîne comme un fil à la patte des bouquins et je le lui lis, même que quand c’est trop beau je souligne quelques phrases et je décoche des pages comme des cerveaux lents. Je m’envole. Les mots ça m’afolle, déjà que j’ai un grain… Ça ne va pas s’arranger avec l’âge du carnage, Herr Doctor Franckos de port. Je lis en cachette. Le dit Bartos, y me croit débile, puisque j’ai jamais été à l’école, n’empêche Sinjon il aime mes histoires. Elles sont plus jolies que celles du Bartos.

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un monsieur papou dans la tête sur France Culte, le midi chaque dimanche après la messe. Il s’appelle Gérard Mordillat, même que c’est Mordant qu’il aurait dû s’appeler le gars tellement il jacte la réalité sur les forces du fric qui massacrent selon les saints sacrements, les simples gens du peuple des usines. Si je cause langage d’église, c’est un clin d’œil à Gérard qui est aussi l’auteur de deux essais concernant Jésus contre Jésus et Jésus après Jésus. La vie de Brille/Anne versus anglich, je m’en bidonne les quiches.
Elle, c’est Dallas, « Pour tout bagage on a vingt ans » (Léo Ferré). Lui, c’est Rudi, la trentaine bien balancée. Les amoureux des bancs publics, ils travaillent à la Kos et ils écossent du plastoc à longueur de journée.
Il y Lorquin, c’est la tête pensante, le visionnaire au cœur pur version Jean-Roger Caussimon (je connais la chanson), qui démantèle les rouages du système bien huilé : « Fermez la télé et c’est l’insurrection générale ! » (page 273). Entre parenthèse et pour gaufrer les fraises, ça risque pas d’arriver chez le Bartos. Il n’a même pas de téloche et encore moins de téléfaune portable, c’est un vieux con réac, qui vaque toujours à côté de ses pompes et patatrac c’est pas un crac ! C’est encore moins un gourou tout roux !
Parfois, c’est fou, Gérard l’auteur de cette tragédie textuelle, on dirait du Prévert dans la bouche de Lorquin : « Comme disait le curé Meslier : l’humanité ne sera heureuse que lorsque le dernier des princes aura été pendu avec les boyaux du dernier prêtre » (page 344)
Il y a de ces tirades, faut pas que je les cause trop haut, sinon Sinjon, il pleure et j’arrive pas à la consoler. Depuis qu’il est tout petit, c’est moi qui l’ai élevé toute seule. Je suis toute sa famille. Alors, j’ai intérêt à assumer.
Et dieu dans tout ça, c’est le fric du cordon ombilical qui relie au moins cinquante personnages du roman avec leurs secrets intimes ou de famille qui se croisent s’invectivent et se dérident l’oxyde de pute et font tringler les gnons. On retrouve les syndicalistes vendus et achetés style CFDT ("Confédération des faux derches tranquilles" page 628) la femme au grand cœur d’artichaut, les potos d’ateliers, l’immigré qui a sauté la Méditerranéenne et a paumé en route son pont d’arrimage, le patron qui ne pense qu’à s’engraisser les caillots et l’Usine qui a droit de vie et de mort à la ville. En définitive, Rudi colporte les pensées de Lorquin, lorsque la clé sous la porte, on licencie sans scie avec les cognes de CSS (comme dirait monsieur Rezvani) qui envoient au court bouillon des inondations les travailleurs et s’essuient les souliers à clous paillasson dessus leur révolte salutaire, dès fois que : « tout ce qu’il (Lorquin) disait était vrai : j’étais (c’est le beau Rudi qui cause) un esclave, je suis un esclave, nous sommes des esclaves. La preuve : on peut nous vendre, nos propriétaires ont le droit de vie et de mort sur nous… » (page 397).
Vous comprendrez ainsi pourquoi, nous les animaux on bosse pas, on gagne pas le pain pourri à la sueur de nos fronts hautains. On vous emmerde les humanos, vous les esclaves à la solde de vos publicités et du ramasse mou qui vous tient lieu de coucou ; l’oiseau qui a troqué son ciboulot contre un son présentable. Vendu, hey pourri le coucou !
Et puis, le plus remarquable, c’est que le Gérard Mordillat, il donne jactance et consistance à tous ses personnages et le plus intéressant c’est qu’on pige comment ils fonctionnent, chacun pour soi, le flouze et la bouse pour soi seulement salement et personnellement. Chapeau ! Enfin un livre où l’on ne s’emmerde pas, où ça bouge, ça bouscule votre palpitant, ça trépide et les épidermes ne sont pas en berne. Les corps sensuels relèvent la tête et remettent les cons couverts à la gamelle de sainte truelle.
Rudi échange des lettres avec Dallas et parle de la vraie vie : « Si tu voyais ceux qui m’entourent, tu comprendrais comment la prison est devenue la méthode pour traiter deux problèmes que notre société est incapable de traiter : le chômage et la folie. (…) Mais les responsables de cette pauvreté, de cette misère, de ces exclusions, tu peux être sûre qu’ils ne seront jamais en prison alors qu’ils volent, qu’ils trichent, qu’ils mentent en un jour plus que tous ceux-là en une vie ». (page 652).
La force de l’écrivain du même tromblon que le génial Jean Vautrin : c'est un auteur qui est capable en une phrase ou deux d'expliquer autour de quoi le monde tourne. C’est un balaise de chez Blaise qui baise avec les mots et, en un érection il vous a torché une tronche de vie. Un pavé dans la merde des planctons de la consommation qui perdent leur vie à la gagner. Encore merci Monsieur Gérard Mordillat. A côté de ça, je me demande encore pourquoi le Franckos y continue à écrire ses conneries !
Si j’étais pas là, il aurait plus de bouquins à inventer, le Bartos.
Hélas, je ne suis pas encore lasse… !

668 pages de bonheur, aux éditons Calmann-Lévy, (mars 2005)

Bientôt dans mes crocs niquent de lit / thé / rature, je vous évoquerai, une chouette nana bath en la personne de Fred Romano. Pour patienter, vous pouvez vous immerger sur son blog en direct de l’île de Formentera aux Baléares : mirall mogut (miroir flou en catalan).

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