mardi, janvier 01, 2008

Gaspard méthanier : voyage en car jusqu’à la manif et ça va dépoter…




J’étais tranquillement installée dans le sac à dos du Bartos. J’avais mes bananes et mon oreiller. Je laissais traîner une oreille tandis que le Franckos était plongé dans son journal.
- Ca fait longtemps que j’ai pas pris le car. Depuis plus de trente ans.
- On va à l’école. Vous avez vos calculettes et même un morceau de shit ?
- Oh non, ça c’est pour les grands. De mon temps…
Les passagers embrayent ensuite sur les banalités de la vie quotidienne qui sied à un petit village perdu du haut Médoc. Et bientôt, les personnalités s’enflamment pour la spécialité locale. J’ai les poils du culs qui s’hérissent à l’écoute dans les moindres détails de la recette des cuisses de sanglier, depuis le crime organisé jusqu’au dépeçage sur la place public et le rencard « Au rendez-vous des chasseurs ». Tout y passe, le sang, les muscles, le pelage de mon ami mis à mal. Je sors du sac pour leur pisser à la raie, quand le Bartos se réveille de sa léthargie et me dit :
- Si tu ne veux pas terminer tes jours en brochette, passagère clandestine planque toi à couvert.
- La passagère clandestine, n’est peut-être celle que l’on croit dans la lutte intestine entre les animos et les affreux humanos carnassiers.
- Qu’est-ce que tu me racontes ?
- Je te ferai dire, quand le monsieur a fait l’appel et qu’il est passé deux fois devant toi pour faire signer la feuille de présence, il ne t’a même pas vu.
- Et vous vous rappelez notre face à face avec les écolos…..
- Tu comprends mieux maintenant ce que je te disais.
- Mais tu n’y es pas du tout. Tous ces gens se connaissent depuis des lustres. Ils ne m’ont jamais vu. Je suis un étranger pour eux, qui plus est un chevelu.
- Et le type qui touchait du bois sur une croix, ils le connaissent au moins ?
- J’en sais foutre rien. Et puis de toute façon il n’était pas de la même région. Si je me souviens bien, c’était un gag des pays méditerranéens. Je n’ai jamais fréquenté les beatniks, j’étais pas encore trépané.
- Ah ah ah ah, il est trop drôle le Franckos.
- Chut, tu vas te faire repérer. O fête, on arrive à Bordeaux.
Assis devant le Bartos, il y a un monsieur qui avance vers l’âge de la retraite aux flambeaux et un jeune indéfini. Le jeune mate les nanas dans les caisses. Ca caille, il a au mois un mois de retard. On n’est plus à l’époque des jupes et des robes. Il commente avec son voisin la démarche et la physionomie des filles des villes. Le Franckos se prend à imaginer le personnage du jeune et son rapport à la gent féminine au bled. C’est un sujet très riche à traiter, avec le contraste de tous les excès et les libertés promises sur un plateau à la capitale régionale, du fait de l’espace et du regard ouvert à d’autres géographies.
- T’en as jamais vu ?
- Non
- Tu vas en voir.
- Y parait que c’est transparent et ça fait pas de bruit.
- Les chevreuils quand on les troue (rires graveleux).
- Non, le tram…
Enfin, parvenu à la place des Quinconces, en désignant les banderoles et les ballons du pays de Royan, y’en a un qui s’exclame :
- Le truc de toutes les couleurs, c’est la gay pride ?
Ouf, je vais pouvoir enfin respirer à l’air libre. Je ne supporte pas d’être confinée lorsqu’il y a du danger pour ma personne.
Les passagers se donnent rencard pour 14 heures.

Après la manif. Toujours seul, toujours l’étranger, le Camus au pays (ce qui ne lui déplait pas), le Bartos me propose d’aller casser une petite graine. Après la foire à la révolte et au respect du dernier estuaire européen encore préservé, c’est la foire à la brocante et au jambon. Le Franckos qui a le pif sniffe des effluves de ses origines ardennaises par son père et sa mère.
- Un moule frite, ça te dirait ?
- Il me reste encore une banane.
Sur la table, une bouteille de rouge piquette racolait les gosiers blindés. Le beaujolais nouveau, qu’elle horreur. C’est un crime de lèche majesté ce breuvage du sang de l’autre pisse et love. Vampire, sans lui. A part la bière, une véritable bibine, le Bartos s’est régalé

M’bé, Bordeaux c’est’y beau ?

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