

L’idée de l’écriture de cet article m’est apparue à moi Missdinguette, une fois n’est pas coutume, à la suite de la lecture d’un article paru dans la Vie au Soleil !
Michel Loetscher y abordait l’itinéraire d’ »Adolf Koch à l’école des nudistes » * en Allemagne selon une argumentation qui donnait la part belle à cet homme pionnier singulier pédagogue et particulièrement passionnant. Comme pour dédouaner le mouvement nudiste allemand dans son hétérogénéité vis-à-vis de ses rapports pas toujours très clair avec le nazisme, quoique, Adolf Koch n’ait jamais collaboré avec ce régime, je ne lis dans son article aucune référence pourtant explicite concernant les ramifications de l’antisémitisme et de idéologie national-socialiste des pionniers nudistes Heinrich Pudor (1865 / 1943) et Richard Ungewitter (1868 / 1958), il se borne seulement à les citer ! Seul Hans Suren est pointé du doigt.
Enfin, un dernier point, lui qui prône comme le Bartos le devoir de mémoire envers l’histoire, il semble dire que si l’œuvre d’Adof Koch a tendance à sombrer dans l’oubli du fait que c’est l’hédonisme et la liberté de vivre le naturisme hors des clubs et centres naturistes « sans s’encombrer de théories naturistes »* qui ont tué la genèse du nudisme social d’Adolf Koch. Je pense avec l’historien Marc Cluet que c’est d’abord l’embourgeoisement de la confédération nudiste allemande dans sa diversité qui a conclu ce chapitre. De plus, et cette opinion n’engage que moi, selon mes propres analyses je pense aussi que si au lieu de guerroyer contre les communistes nudistes, Adolf Koch et les militants sociaux démocrates nudistes, dont il se réclamait, avaient pris les armes malgré leurs différences avec les cocos les anars et toute la frange politisée contre l’émergence du fléaux nazi, le résultat de l’expression de liberté en actes aurait pu changer ce versant nuit brouillard de l’histoire allemande. Lire à ce sujet l’ouvrage de l’historien Lionel Richard consacré à cette période post nazi : « La vie quotidienne sous la République de Weimar » qui explique parfaitement la montée en puissance des faisceaux nazis du fait même de la passivité de la population enrégimentée par des associations de type paramilitaire dans son organisation et ses relations humaines et des sociaux démocrates affairistes, en cette période à haute teneur de crise économique et crise des valeurs.
Et que l’on ne me parle des « Oiseaux migrateurs », ces jeunes cons comme la lune et d’une naïveté renversante si j’en crois l’historien Miche Palmier : « En octobre 1913, tous les mouvements de jeunes se réuniront sur le Hochen Meissner, non loin de Kassel pour célébrer une « Fête de la jeunesse » qui tentait de rassembler toutes leurs organisations. Un grand nombre d’écrivains et d’universitaires y participèrent. On y représenta l’Iphigénie de Goethe et le porte-parole des Wandervögel déclara de manière sinistrement prophétique que si leur vie n’était pas heureuse, leur mort, du moins serait héroïque. Mobilisés en 1914, l’idéalisme qui les avait poussé à croire à l’avènement d’un monde nouveau les poussa vers la mort. En novembre, à la bataille de Langemark, ils participèrent en chantant à l’assaut des tranchées ennemies et furent tués en quelques instants. »*
Revenons en à notre sujet d’étude…
Adolf Koch (1898 / 1970) instituteur de formation dans une école de garçons intégrée à un groupe scolaire laïque organisa dès 1923 des séances de gymnastique nue à son école qui furent vite interdites, mais qui connurent un essor conséquent hors des murs institutionnels. A travers ce scandale qu’il appela de toutes ses forces : la bataille « autour de sa personne » entre fin 1923 et début 1924, nous retiendrons quelques points explicites de sa politique engagée en tant que nudiste social démocrate. Son mouvement des « hommes libres » acceptait sans restriction les juifs au rang de ses moniteurs pour l’encadrement mais aucun homosexuel. En revanche, en tant que laïque militant, toutes les pratiques confessionnelles étaient exclues. La seule qu’il reconnaissait était celle de sa « nouvelle religion nudiste » matinée d’humanisme bien trempé, avec les ambiguïtés que cela pouvait supposer. Ainsi, dans son immense bonté auréolée de candeur pas tentée, son analyse inter personnelle mettait en exergue l’exigence du « respect » induit par la nudité collective avec autrui et supposait de facto l’interdiction de l’usage de la violence envers et contre autrui, afin de rendre un prochain conflit sanguinaire, telle la der des ders de 14 / 18, impossible.
On connaît le résultat de son analyse et la montée en puissance du mouvement nazi régimenté et s’insinuant dans toutes les failles de la République de Weimar en déliquescence tant sur le plan économique que philosophique.
Le respect, ses élans positifs à la compréhension de l’autre et son florilège spirituel à l’aune de l’amour de son prochain et autre entraide universelle, le petit peintre viennois raté et frustré s’assit dessus sans pour autant en chier un caca nerveux.
A cette même période, il est un autre homme de respect à l’étoffe lui aussi social démocrate, qui pratiquait aussi le nudisme avec ses pairs dans l’enceinte d’un ancien palais du Tiergarten (en plein centre de Berlin), je veux parler de ce cher Magnus Hirschfeld, sexologue de son état, que le Franckos a déjà mis en scène dans son roman non encore publié « Dagmar et Bluty, une femme à part ». Il fut le créateur du célèbre lnstitut de sexologie et le militant infatigable pour l’acceptation de la dépénalisation de l’homosexualité. Lors de l’une de ses conférences, il reçut une bastos en cadeau d’un jeune nazi. Cela ne refroidit point son ardeur et, du reste, il ne dut la vie sauve, lors de l’incendie de son Institut par ces mêmes fachos marchant sur Berlin, qu’à son déplacement à l’étranger. Le fonds de sa bibliothèque considérable brûla dans le feu de l’action ainsi que le planning familial et son musée des excentricités sexuelles qui attiraient les visiteurs du monde entier ! Il avait la « tare » selon, la désignation en vigueur d’être à la fois homosexuel / juif et social démocrate !
Adolf Koch piocha entre autre dans le manuel d’éducation sexuel écrit par Magnus Hirschfeld, une contribution de Wilhem Reich sur le nudisme et les apports de Thérèse Mülhause-Vogeler chantre de l’ « anarchisme sexuel ».
Cette dernière considérait les relations entre les femmes et les hommes sur le plan d’un partenariat dans la liberté et l’ «amour fusion » qui devait permettre aux femmes par l’emploi des moyens contraceptifs de ne pas craindre une grossesse indésirée.
Suite au scandale dont il fut l’objet volontaire, c’est en 1924, comme le précise Michel Loescher dans son article* qu’Adolf Koch fonda son premier Institut.
Les « Ecoles Koch » de gymnastique nue privilégiaient les activités d’intérieur et les « Groupes » les activités d’extérieur. En 1924, on comptait pas moins de 32 groupes, avec parfois des groupuscules équivalents à une classe. En 1933, avec l’arrivée des nazis au pouvoir, il subsistait 30 groupes pour toute l’Allemagne dont 2 en Autriche, soit au total 3000 membres. L’inscription à une « Ecole Koch » supposait aussi un sacrifice pour les familles qui consistait à verser pas moins de 3 à 4 % d’un salaire ouvrier et les plus démunis (mère célibataire, chômeurs…) en étaient exonérés. Un travail sur soi-même par les élèves était demandé sans aucun rapport avec un quelconque déshabillage collectif. Les écoles étaient implantées en plein centre des grands métropoles et jamais l’élément naturel ne devait dépareiller les salles de gym qui étaient peintes entièrement en vert.
« Le nudisme était censé aider le prolétariat ou « couche économiquement défavorisée » à combler certains déficits corporels par rapport à la « bourgeoisie » ou « couches économiquement fortes » »*. Cette idée de départ somme toute généreuse va vite être absorbée par la réalité et les rivalités politiques entre les sociaux-démocrates intégrés dans les rouages de la société et les communistes se relevant à peine de l’extermination des Conseils ouvriers de 1918 fomentée par les salauds de socialos.
Dans ce mouvement d’idées, « Koch et les siens prônaient donc la légalité, le réformisme, la révolution douce, et s’en prenait logiquement à «une jeunesse dressée à réciter des slogans politiques » et persuadée, entre autres, que le sport (semi-)nu devait préparer au combat des rues ».*
Sans être visionnaire, le bilan répressif et autoritaire de la jeune révolution russe à l’encontre de tous les opposants noirs, rouges clairs… donne raison à son analyse. « La démarcation de Koch face à la gauche (extrémiste) est encore plus nette lorsqu’il confie entre les lignes craindre davantage la dictature du prolétariat – qui en pratique serait toujours celle d’un individu ! – que tous les reproches qui pourraient lui être adressés de poursuivre une stratégie « bourgeoise » ».*
En revanche, l’embourgeoisement du mouvement nudiste sous l’influence sociale-démocrate des « Ecoles Koch » consista à émettre un avis éthique politique réducteur qui se résumait presque à l’horizon du cul d’une bouteille de bière ! « Il était certes précisé à l’occasion que l’ordre économique et social existant appelait un engagement politique, en complément de « la libre culture », mais à ce stade de « la réflexion politique » de Koch et de ses collaborateurs, la critique du système capitaliste tendait à se confondre avec la dénonciation du « grand capital éthylique »*. Prosit hic !
Quand à la stratégie nudiste à consonance « bourgeoise » de Koch et consort, l’historien Marc Cluet n’en démord point : « En résumé, la réflexion de Koch et de ses collaborateurs sur les rapports du nudisme à une stratégie de « gauche » ménageait tant de possibilités de révision à la baisse des enjeux nudistes que rien ne s’opposait à la collaboration avec le nudisme « bourgeois » dans le cadre de la confédération »*, (confédération générale du nudisme).
Il n’est sans doute pas symptomatique que le naturisme allemand bêlant lui aussi bientôt dans le pur sucre de l’apolitisme crasse dont les relents actuels du naturisme franchouillard en est l’illustration la plus parfaite, le dernier paragraphe prometteur et interrogateur de Michel Loetscher s’intitule : « l’hédonisme, mort du naturisme ? ». Il écrit : « dans la prospérité retrouvée des Trente Glorieuses, l’hédonisme individualiste des classes laborieuses allemandes n’éprouvait plus guère le besoin de s’encombrer de théories naturistes, pour exulter dans une nudité libératrice ».*
D’autant que les « classes laborieuses », comme il dit, ont eu la fâcheuse tendance à vouloir imiter le mode de vie des classes montantes, quitte à bouffer des nouilles durant des années et s’inscrire elles aussi dans la société de consumation de l’apparence des marques. Ce que certains jeunes et même vieux cons dans le style Bartos rejettent avec vigueur leur appartenance à un conformisme cuistre. Peut-être aussi à certaines époques plus ou moins révolues : « De surcroît, la jeunesse rebelle n’entend pas se mettre nu derrière quatre murs, dans l’enceinte d’un camp naturiste, mais sur les plages et les jardins publics… »*
En début de la conclusion de son ouvrage, je ne peux m’empêcher de revenir à Marc Cluet qui cite la situation de Jean Giraudoux en 1930 « en visite à Berlin, avec un intérêt particulier pour les terrains et « camps » nudistes, s’amusa de nudistes (« bourgeois ») déclamant des passages de Goethe dans la conviction « que la nudité est la pensée dernière du poète et que ses idées-forces sont bien des êtres nus ».*
Décidemment, les littérateurs avec leur regard affiné ont toujours un grain de sel d’avance et dérangeant qui les taraude à dire le monde différemment des attendus officiels dans les officines convenues.
*in « Adolf Koch à l’école des nudistes » par Michel Loetscher in La Vie au Soleil n° 117, page 36
* idib
* in Michel Palmier : « Rêve, utopie et apocalypse : Genèse de la sensibilité expressionniste », p. 32, in le catalogue : Figures du moderne : 1905 / 1914 l’Expressionnisme en Allemagne
* idib Michel Loetscher
* in « La Libre Culture. Le mouvement nudiste en Allemagne depuis ses origines au seuil du XXe siècle jusqu’à l’arrivée de Hitler au pouvoir (1905 / 1933). Présupposés, développements et enjeux historiques. Ed : ANRT (Atelier national de reproduction des thèses) p. 917
*idib, p. 918
* idib p. 918
* idib p. 920
* idib p. 921
* idib Michel Loetscher
* idib
Michel Loetscher y abordait l’itinéraire d’ »Adolf Koch à l’école des nudistes » * en Allemagne selon une argumentation qui donnait la part belle à cet homme pionnier singulier pédagogue et particulièrement passionnant. Comme pour dédouaner le mouvement nudiste allemand dans son hétérogénéité vis-à-vis de ses rapports pas toujours très clair avec le nazisme, quoique, Adolf Koch n’ait jamais collaboré avec ce régime, je ne lis dans son article aucune référence pourtant explicite concernant les ramifications de l’antisémitisme et de idéologie national-socialiste des pionniers nudistes Heinrich Pudor (1865 / 1943) et Richard Ungewitter (1868 / 1958), il se borne seulement à les citer ! Seul Hans Suren est pointé du doigt.
Enfin, un dernier point, lui qui prône comme le Bartos le devoir de mémoire envers l’histoire, il semble dire que si l’œuvre d’Adof Koch a tendance à sombrer dans l’oubli du fait que c’est l’hédonisme et la liberté de vivre le naturisme hors des clubs et centres naturistes « sans s’encombrer de théories naturistes »* qui ont tué la genèse du nudisme social d’Adolf Koch. Je pense avec l’historien Marc Cluet que c’est d’abord l’embourgeoisement de la confédération nudiste allemande dans sa diversité qui a conclu ce chapitre. De plus, et cette opinion n’engage que moi, selon mes propres analyses je pense aussi que si au lieu de guerroyer contre les communistes nudistes, Adolf Koch et les militants sociaux démocrates nudistes, dont il se réclamait, avaient pris les armes malgré leurs différences avec les cocos les anars et toute la frange politisée contre l’émergence du fléaux nazi, le résultat de l’expression de liberté en actes aurait pu changer ce versant nuit brouillard de l’histoire allemande. Lire à ce sujet l’ouvrage de l’historien Lionel Richard consacré à cette période post nazi : « La vie quotidienne sous la République de Weimar » qui explique parfaitement la montée en puissance des faisceaux nazis du fait même de la passivité de la population enrégimentée par des associations de type paramilitaire dans son organisation et ses relations humaines et des sociaux démocrates affairistes, en cette période à haute teneur de crise économique et crise des valeurs.
Et que l’on ne me parle des « Oiseaux migrateurs », ces jeunes cons comme la lune et d’une naïveté renversante si j’en crois l’historien Miche Palmier : « En octobre 1913, tous les mouvements de jeunes se réuniront sur le Hochen Meissner, non loin de Kassel pour célébrer une « Fête de la jeunesse » qui tentait de rassembler toutes leurs organisations. Un grand nombre d’écrivains et d’universitaires y participèrent. On y représenta l’Iphigénie de Goethe et le porte-parole des Wandervögel déclara de manière sinistrement prophétique que si leur vie n’était pas heureuse, leur mort, du moins serait héroïque. Mobilisés en 1914, l’idéalisme qui les avait poussé à croire à l’avènement d’un monde nouveau les poussa vers la mort. En novembre, à la bataille de Langemark, ils participèrent en chantant à l’assaut des tranchées ennemies et furent tués en quelques instants. »*
Revenons en à notre sujet d’étude…
Adolf Koch (1898 / 1970) instituteur de formation dans une école de garçons intégrée à un groupe scolaire laïque organisa dès 1923 des séances de gymnastique nue à son école qui furent vite interdites, mais qui connurent un essor conséquent hors des murs institutionnels. A travers ce scandale qu’il appela de toutes ses forces : la bataille « autour de sa personne » entre fin 1923 et début 1924, nous retiendrons quelques points explicites de sa politique engagée en tant que nudiste social démocrate. Son mouvement des « hommes libres » acceptait sans restriction les juifs au rang de ses moniteurs pour l’encadrement mais aucun homosexuel. En revanche, en tant que laïque militant, toutes les pratiques confessionnelles étaient exclues. La seule qu’il reconnaissait était celle de sa « nouvelle religion nudiste » matinée d’humanisme bien trempé, avec les ambiguïtés que cela pouvait supposer. Ainsi, dans son immense bonté auréolée de candeur pas tentée, son analyse inter personnelle mettait en exergue l’exigence du « respect » induit par la nudité collective avec autrui et supposait de facto l’interdiction de l’usage de la violence envers et contre autrui, afin de rendre un prochain conflit sanguinaire, telle la der des ders de 14 / 18, impossible.
On connaît le résultat de son analyse et la montée en puissance du mouvement nazi régimenté et s’insinuant dans toutes les failles de la République de Weimar en déliquescence tant sur le plan économique que philosophique.
Le respect, ses élans positifs à la compréhension de l’autre et son florilège spirituel à l’aune de l’amour de son prochain et autre entraide universelle, le petit peintre viennois raté et frustré s’assit dessus sans pour autant en chier un caca nerveux.
A cette même période, il est un autre homme de respect à l’étoffe lui aussi social démocrate, qui pratiquait aussi le nudisme avec ses pairs dans l’enceinte d’un ancien palais du Tiergarten (en plein centre de Berlin), je veux parler de ce cher Magnus Hirschfeld, sexologue de son état, que le Franckos a déjà mis en scène dans son roman non encore publié « Dagmar et Bluty, une femme à part ». Il fut le créateur du célèbre lnstitut de sexologie et le militant infatigable pour l’acceptation de la dépénalisation de l’homosexualité. Lors de l’une de ses conférences, il reçut une bastos en cadeau d’un jeune nazi. Cela ne refroidit point son ardeur et, du reste, il ne dut la vie sauve, lors de l’incendie de son Institut par ces mêmes fachos marchant sur Berlin, qu’à son déplacement à l’étranger. Le fonds de sa bibliothèque considérable brûla dans le feu de l’action ainsi que le planning familial et son musée des excentricités sexuelles qui attiraient les visiteurs du monde entier ! Il avait la « tare » selon, la désignation en vigueur d’être à la fois homosexuel / juif et social démocrate !
Adolf Koch piocha entre autre dans le manuel d’éducation sexuel écrit par Magnus Hirschfeld, une contribution de Wilhem Reich sur le nudisme et les apports de Thérèse Mülhause-Vogeler chantre de l’ « anarchisme sexuel ».
Cette dernière considérait les relations entre les femmes et les hommes sur le plan d’un partenariat dans la liberté et l’ «amour fusion » qui devait permettre aux femmes par l’emploi des moyens contraceptifs de ne pas craindre une grossesse indésirée.
Suite au scandale dont il fut l’objet volontaire, c’est en 1924, comme le précise Michel Loescher dans son article* qu’Adolf Koch fonda son premier Institut.
Les « Ecoles Koch » de gymnastique nue privilégiaient les activités d’intérieur et les « Groupes » les activités d’extérieur. En 1924, on comptait pas moins de 32 groupes, avec parfois des groupuscules équivalents à une classe. En 1933, avec l’arrivée des nazis au pouvoir, il subsistait 30 groupes pour toute l’Allemagne dont 2 en Autriche, soit au total 3000 membres. L’inscription à une « Ecole Koch » supposait aussi un sacrifice pour les familles qui consistait à verser pas moins de 3 à 4 % d’un salaire ouvrier et les plus démunis (mère célibataire, chômeurs…) en étaient exonérés. Un travail sur soi-même par les élèves était demandé sans aucun rapport avec un quelconque déshabillage collectif. Les écoles étaient implantées en plein centre des grands métropoles et jamais l’élément naturel ne devait dépareiller les salles de gym qui étaient peintes entièrement en vert.
« Le nudisme était censé aider le prolétariat ou « couche économiquement défavorisée » à combler certains déficits corporels par rapport à la « bourgeoisie » ou « couches économiquement fortes » »*. Cette idée de départ somme toute généreuse va vite être absorbée par la réalité et les rivalités politiques entre les sociaux-démocrates intégrés dans les rouages de la société et les communistes se relevant à peine de l’extermination des Conseils ouvriers de 1918 fomentée par les salauds de socialos.
Dans ce mouvement d’idées, « Koch et les siens prônaient donc la légalité, le réformisme, la révolution douce, et s’en prenait logiquement à «une jeunesse dressée à réciter des slogans politiques » et persuadée, entre autres, que le sport (semi-)nu devait préparer au combat des rues ».*
Sans être visionnaire, le bilan répressif et autoritaire de la jeune révolution russe à l’encontre de tous les opposants noirs, rouges clairs… donne raison à son analyse. « La démarcation de Koch face à la gauche (extrémiste) est encore plus nette lorsqu’il confie entre les lignes craindre davantage la dictature du prolétariat – qui en pratique serait toujours celle d’un individu ! – que tous les reproches qui pourraient lui être adressés de poursuivre une stratégie « bourgeoise » ».*
En revanche, l’embourgeoisement du mouvement nudiste sous l’influence sociale-démocrate des « Ecoles Koch » consista à émettre un avis éthique politique réducteur qui se résumait presque à l’horizon du cul d’une bouteille de bière ! « Il était certes précisé à l’occasion que l’ordre économique et social existant appelait un engagement politique, en complément de « la libre culture », mais à ce stade de « la réflexion politique » de Koch et de ses collaborateurs, la critique du système capitaliste tendait à se confondre avec la dénonciation du « grand capital éthylique »*. Prosit hic !
Quand à la stratégie nudiste à consonance « bourgeoise » de Koch et consort, l’historien Marc Cluet n’en démord point : « En résumé, la réflexion de Koch et de ses collaborateurs sur les rapports du nudisme à une stratégie de « gauche » ménageait tant de possibilités de révision à la baisse des enjeux nudistes que rien ne s’opposait à la collaboration avec le nudisme « bourgeois » dans le cadre de la confédération »*, (confédération générale du nudisme).
Il n’est sans doute pas symptomatique que le naturisme allemand bêlant lui aussi bientôt dans le pur sucre de l’apolitisme crasse dont les relents actuels du naturisme franchouillard en est l’illustration la plus parfaite, le dernier paragraphe prometteur et interrogateur de Michel Loetscher s’intitule : « l’hédonisme, mort du naturisme ? ». Il écrit : « dans la prospérité retrouvée des Trente Glorieuses, l’hédonisme individualiste des classes laborieuses allemandes n’éprouvait plus guère le besoin de s’encombrer de théories naturistes, pour exulter dans une nudité libératrice ».*
D’autant que les « classes laborieuses », comme il dit, ont eu la fâcheuse tendance à vouloir imiter le mode de vie des classes montantes, quitte à bouffer des nouilles durant des années et s’inscrire elles aussi dans la société de consumation de l’apparence des marques. Ce que certains jeunes et même vieux cons dans le style Bartos rejettent avec vigueur leur appartenance à un conformisme cuistre. Peut-être aussi à certaines époques plus ou moins révolues : « De surcroît, la jeunesse rebelle n’entend pas se mettre nu derrière quatre murs, dans l’enceinte d’un camp naturiste, mais sur les plages et les jardins publics… »*
En début de la conclusion de son ouvrage, je ne peux m’empêcher de revenir à Marc Cluet qui cite la situation de Jean Giraudoux en 1930 « en visite à Berlin, avec un intérêt particulier pour les terrains et « camps » nudistes, s’amusa de nudistes (« bourgeois ») déclamant des passages de Goethe dans la conviction « que la nudité est la pensée dernière du poète et que ses idées-forces sont bien des êtres nus ».*
Décidemment, les littérateurs avec leur regard affiné ont toujours un grain de sel d’avance et dérangeant qui les taraude à dire le monde différemment des attendus officiels dans les officines convenues.
*in « Adolf Koch à l’école des nudistes » par Michel Loetscher in La Vie au Soleil n° 117, page 36
* idib
* in Michel Palmier : « Rêve, utopie et apocalypse : Genèse de la sensibilité expressionniste », p. 32, in le catalogue : Figures du moderne : 1905 / 1914 l’Expressionnisme en Allemagne
* idib Michel Loetscher
* in « La Libre Culture. Le mouvement nudiste en Allemagne depuis ses origines au seuil du XXe siècle jusqu’à l’arrivée de Hitler au pouvoir (1905 / 1933). Présupposés, développements et enjeux historiques. Ed : ANRT (Atelier national de reproduction des thèses) p. 917
*idib, p. 918
* idib p. 918
* idib p. 920
* idib p. 921
* idib Michel Loetscher
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