lundi, février 19, 2007

Ras les murs avec "Femme de parloir" de Duszka Maksymowicz


Quand je me ballade avec le Franckos à Paname, j’ai la tête qui dépasse de son sac à dos. Oh l’autre t’as déjà vu une Singette marcher ? Pour un pas du Franckos, il me faudrait me cavaler au moins cinquante enjambés Vous imaginez le topo et tous les risques des sacs à merde et leurs déjections et les passants honnêtes qui prendraient un malin plaisir à m’écraser comme une chique sous leurs semelles crottées. La grande ville, c’est pas une vie pour une Singette.
Mais ce n’est pas le propos d’aujourd’hui, mes agneaux.
Je disais donc que lorsque le Bartos il passait devant une prison, il avait les remontées de ses fluides intestinaux qui lui gargouillaient un spleen pas possible ! Petite nature, il ne supporte pas qu’on enferme des femmes, des hommes, des enfants et encore moins des animaux. Que l’on hôte les libertés de mouvements, de pensées et d’actions à des êtres vivants doués de raison. Les zoos non plus c’est par pour lui et encore moins pour moi. Des êtres en cage, bonjour ma rage.

Le Franckos quand il était ado avait lu l’opus de Michel Foucault : « Surveiller et punir » et s’intéressait aussi aux combats contres les QHS (quartier de haute sécurité), voir également mon avant dernier papier concernant la RAF !

Je vous dis pas comment ça lui a retourné le bide, la lecture de « Femme de parloir » de Duszka Maksymowicz.
Au début du livre, elle s’appelle Paulette et par amour pour un homme qu’elle apprend à découvrir entre les parenthèses d’un parloir, par loyauté, par force et certitude, elle devient Duzska par delà la souffrance de la séparation.
Lui, cet homme au cœur pur, c’est Micha. « Muet à cause du cancer du larynx, il avait commis des braquages avec un pistolet factice et un papier à la main pour demander la caisse. (…) C’était la perpétuité qui lui était tombée dessus. (…) Il fit une grève de la faim. Il s’évada, fut repris. Il voulait une révision de son procès. Rien n’y fit. Le silence retomba sur le prisonnier désespéré. Pendant des années. » (pages 41 / 42). Jusqu’à ce qu’il croise une visiteuse qui va devenir sa femme et l’expression de son combat hors les murs.
«La femme du taulard porte, elle aussi la peine » (page 43). « On passe le temps tous les deux à sauter à gué d’un parloir à l’autre. Nous arriverons un jour sur la rive, du côté de la liberté. C’est un peu angoissant, mais on n’a pas le choix. Il me donnait la recette de survie du prisonnier. J’étais enfermée avec lui ». (pages 52 / 53). Passe muraille, ces deux amoureux transis s’écrivent, malgré le viol de l’administration pénitentiaire au crible de la censure des lettres ouvertes. Des mots d’une fulgurance que l’on ne rencontre presque jamais dans le monde des mortels de l’en-dehors, où tout est codifié et presque trop facile, un petit clique et je t’astique la chique.
Micha dans l’intensité de ses phrases rejoint sa bien aimée dans l’errance passionnée, pulsionnelle : « Je t’aime, ma femme liberté. Par toi le monde m’arrive. Tu es ma femme de toutes les patiences, de tous les partages. Le parloir hebdomadaire ! Quel bonheur ! » (page 55). « Femme de taulard, Femme de cafard, Femme d’espoir ». (page 59). « Femme de parloir. Ce n’est ni une fonction, ni un métier. C’est une noblesse. Une noblesse de la rue, du trottoir, de la galère, de la marginalité. De la liberté. « Madame du Parloir ». (page 70).
Et en plus, c’est fichtrement bien écrit. Cette grande dame a du style !
« Violence, enfin, mais salvatrice, de la passion amoureuse qui tient debout toutes les femmes, de la mère, à l’amante. Un amour contre tout et contre tous qui se fortifie à devoir faire ses preuves au fil des années et de la souffrance ». (page 98).
Et cette grandiose Duszka conclue dans l’apothéose son réquisitoire contre la machine à broyer de tous les instants qu’est le système carcéral : « J’ai une petite manie, vous avez remarqué ? Je m’emploie jamais le mot « détenu ». On détient un objet, on emprisonne un homme. C’est ma manière à moi de garder toute son humanité à l’enfermé.
Le mieux serait peut-être de supprimer la prison ? » (page 104)

Certains passages de sa tranche de vie me rappelle le parcours tumultueux mais O combien passionnant d’un homme aussi digne que Duszka et son homme Micha, je veux parler de Marius Jacob. Cambrioleur anarchiste qui fut interné au bagne de Cayenne, le lieu dit où l’on ne revient jamais, sauf si l’on se forge une constitution tant physique qu’intellectuelle. Quel rapport avec ces deux êtres hors du commun vous demandez-vous ? L’un comme l’autre, pour la défense dans leur chair du ou des êtres qui leur sont chers ont entrepris des études de Droit. Marius au bagne tenait tête au directeur du bagne et à ses mesures discriminatoires en invoquant son bon droit. Duszka reprit ses études pour obtenir un DEA de Droit pénal et Sciences criminelles qui lui permirent de se marier en prison et de faire sortir après bien des déboires Micha son homme.

Où comment la conjugaison au temps espoir de l’Amour peut abattre les chaînes des oppressions.
RAS LES MURS….

« Femme de parloir » de Duszka Maksymowicz aux éditions de L’Esprit Frappeur » (2000).

Pour celles et ceux que la parole des femmes de parloir intéresse, sachez qu’à Paname des théâtres s’ouvrent à leurs maux à elles.
Ainsi se jouera le lundi 26 février à 20 h 30 au Théâtre Méry / 7 place Clichy / Paris 17 ème et mardi 20 et mercredi 21 mars à 20 h 30 aux Confluences / 190 boulevard de Charonne / Paris 20 (contact : Olivier Saksik : tel / 01 40 39 04 10 et 06 73 80 99 23
FEMMES DE PARLOIR Traces de vies détenues : deux femmes sur scène. L’une dehors, l’autre dedans. Le parloir où elles se rejoignent. Avec Brigitte Patient et Hélène Castel sur des extraits de textes de Duszka Maksymowicz ; Annie Leclerc, Michel Azama, Goliarda Sapienza, Ruth First et Zo d’Axa…

Le Franckos y sera le mercredi 21 mars, qu’on se dise au fond des chemises !

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