vendredi, janvier 23, 2009

Gens du Médoc : Les grandes traversées du 30 décembre 2008, un régal partagé d’innovations et d’inventivités
















Les lèvres déformées par l’extase des rires et des sourires de connivence, les sourcils en point d’exclamation, ce fut une fois de plus l’éminent art de la transe des Grandes traversées de vous chavirer et vous captiver. Entrée par la danse, repue d’images, de sons, de tous ces corps en immersion dans ce bal festif du grand déballage des sensations, je vais vous conter ma soirée mémorable du 30 décembre 2008 à Bordeaux.


Plouf, je plongeais à la Base sous-marine de Bordeaux. Caille caille, tous les artistes à l’unisson ont réchauffé les tripes du public avec leurs surprenantes prestations de concert. Des couvertures furent distribuées. Ce contraste de saison, quoi que banal puisque j’avais été mise au courant par le Bartos. Ce dernier avait déjà l’an passé transmuté sa carcasse en ce lieu étonnant, à vous mirer les langues et les dialectes en tête à tête avec une créature de l’autre dimension avides de votre carotide. A peine si je délire une vision de vampire entre les bassins de décantation, la brume et la bise marine comme un soupir en béton armé. Bon, j’ai planté le décor.
Entrée des artistes. Il y avait pléthore et le choix fut difficile à établir. Petite histoire du punk argentin, en première mondiale, une conférence ad hoc pour moi qui en était demeurée à ma servitude culturelle européenne et qui ne connaissait de l’Amérique latine que les tartines d’un c’était bath le temps du tango. Ca tombait à pic, puisque pour cette première mondiale, Tatiana Saphir, chair très chair conférencière à la pulpe généreuse d’un Crumb, bombait un FUCK REALITY en noir sur un mur de journaux avec le A cerclé. Elle déchirait le papier. Elle roule boulait au sol, pour se départir de ses frusques au demeurant préalablement aérées et finissait ver de terre, mue de sa peau entièrement nue sur un fond d’accord destroy. Ca avait été très vite. Elle évacua la scène et une comparse du même tonneau donna un rapide coup de balai. Une autre se radina strict en sombre jupe et tailleur. Macache bonobo, elle avait une sœur jumelle ou quoi ? Le Bartos pouffa, mais non, c’était la même banane ! C’était elle la conférencière qui s’installa au pupitre et mania la baguette sur l’écran blanc où défilèrent des photos qui illustraient ses propos en français. C’était marrant, elle me rappelait la photo au dos de la pochette du Nina Hagen Band, (1978). Un groupe de jeunes +/- punks, des activistes allemands des années de plomb qui se présentaient sur le tableau tels des cadres dynamiques endimanchés à la fermeture du métro. Avec un jeu dans le phrasé, Tatiana enveloppa de sa plastique avenante la théorie du pogo qui consistait à s’émouvoir frénétiquement, ce qui demandait une grande résistance physique. En se passant des travaux pratiques elle ficela l’acte du crachement des musiciens sur le public et inversement. Attardée culturelle, j’en étais demeurée à la pratique des chanson Le crachat de Léo Ferré au Pank de Nina Hagen. Le groupe Blondie en visite en Argentine reçut les postillons poliçons de bon aloi comme retour de sa gloire au galop. Il n’apprécia pas du tout les mœurs dépravés du pays…. Il y eut aussi le célèbre chanteur Picky qui se tira l’épingle à nourrice du lot et joua la vie brève selon le processus de la chute des corps depuis son balcon. Newton qui avait croqué la pomme avant lui avait du se bidonner. Et vlan passe-moi l’éponge. Trop drôle ces punks ! On eut droit aussi à de savantes explications. C’était charmant et truculent. Cette Tatiana respirait la santé, même que si elle s’émouvait trop fort par tous les pores, les boutons de son chemiser risquaient de craquer ! C’est d’ailleurs ce qu’il faillit se produire à la fin de sa prestation. La belle dame brune chanta, s’énerva et gratifia son auditoire d’un fuck you bien senti touchant sa cible sensible dans le contexte énoncé. Chapeau l’artiste, je ne me suis pas ennuyée une seconde, j’ai appris beaucoup de choses apprécié l’humour de la donzelle, et son accent charmant.

Still Untitled dansé en avant-première par Sigal Zouk, c’était en langage relâché moins speed et décapant que mon adorée Tatiana précédente. Un guitariste ramollo égrenait des notes sur un rythme monocorde pendant que Sigal la fourmi (mille excuses et sauf tout mon respect, j’ai pas pu m’en empêcher !), se mouvait au ralenti, debout, couchée. Aucune expression de son visage ne venait strier son évolution. J’ai pensé dans le texte « comment elles se poétise, cherchant un corps perdu dans un temps virtuel, montrant à l’auditoire comment faire avec la disparition des corps hors de la tridimensionnalité » (dixit le programme). O joie, j’ai reconnu une poubelle berlinoise dans le décor qui ne m’a pas causé plus que cela. Lors des saluts à la foule, j’ai été conquise par le sourire affable de Sigal et je suis sortie rassurée. Sigal n’était pas un robot compassé par la moulinette d’une méchante fée qui lui aurait défait la locution des sentiments.

Private dancer en première française dans la grande salle avec Magret Sara Gujonsdottir, Sveinbjörg Thorhallsdottir et Jared Gradinger, (mes excuses pour les accents omis à vos noms). Sur la grande scène, un décor sobre organisé en trois points d’un triangle. Un matelas + une personne en dessous d’un drap, un écran de télé vide / une table des fruits et des chaises / un plateau + un verre posé sur une table avec un téléphone.
Trois personnages vont traverser l’espace de ce théâtre de l’absurde. Deux femmes et un homme. L’homme, c’est Jared le héros des Grandes traversées. Sur l’affiche il avait des cheveux bouclés et portait des lunettes. Et bien figurez-vous les aminches, le zigue s’était grimé style conte des frangins Grimm revu et corrigé. Il avait la barbe et de loin en haut des gradins, il ne paraissait pas miro le beau. Tantôt en slip devant et les fesses nues (c’était pas un string, je ne sais pas comment ça s’appelle ce fatras cosmique, moi, Missdinguette qui jamais ne me vête, même pour plaire à mon chéri Gogo le gorille). Oh les filles, oh les filles, il est très beau garçons ce jeune homme et s’exprime parfaitement dans la langue de l’oncle Sam, même en chemise et en pantalon et même sans. Je ne vois pas trop le rapport, puisque moi, j’y entrave que dalle, la première marche pour ainsi dire. Bon, tout ça pour vous exprimer que je me suis contentée des images de ce spectacle très bavard. L’homme croisait les jeunes femmes sans presque les toucher. C’était le langage de l’incommunicabilité, même si l’une des ravissantes poussa la chansonnette et essaya de se sortir ainsi de la situation. Sauf que rien ne passait entre ces trois là, copain / copain, stimulant la claudication des corps charnels châtrés. C’en était devenu désespérant à la fin. Il y eut bien parfois subrepticement durant un orage du son, quelques intentions de fantasmes avortés. La fanfaronne, pantin désarticulé se brouillait les articulations entre les bras de l’homme qui travaillait son crâne et sa nuque sans jamais la faire craquer. L’ostéopathe ne jouait pas à l’épate et encore moins au mille pattes. Dans un subtil effort pour la soulever… elle était trop lourde. L’une causait au téléphone tandis que la chanteuse entremetteuse s’émoussait et l’homme passait entre elles presque indifférent. Des ombres se dessinaient sous les draps. Quand allait-on éclore à la réalité de se cauchemar éveillé ?

Copyme, créé et dansé par Rahel Savoldelli en première mondiale
Alors la, balaise la nana ! Je ne savais pas si c’était la salle du Théâtre qui voulait cela, où si c’était le phénomène des premières. Il n’empêche, Rahel sévissait avec la même intensité que ma chère Tatiana. L’une s’exprimait franchouille alors que la seconde angliche, bique ose pas facile facile à suivre ses palabres. D’autant que l’autre biche avait le dialogue facile avec les différents personnages qui s’incrustaient par écrans interposés et différaient de l’image que l’on avait d’elle. A part la tenue, c’était elle tout craché. Vous suivez ? Elle se démultipliait en au moins trois autres personnages auxquels elle se donnait la réplique et se mouvait tel un étrange élément scénique. Sur l’écran de droite, un ordinateur ancienne génération style minitel et les personnages qui passaient d’un écran à l’autre. A un moment, j’y ai reconnu un clin d’œil aux Marx Brother avec le jeu du miroir. Il se peut même que le phénomène de copie dégénéra lorsqu’une protagoniste ne répondit pas aux attentes d’une autre. A la hache pouvait se résoudre alors le désaveu du disque dur avec le désaccord touché jusqu’au sang. Tout un programme, du gore, des rires et des larmes.

Roadkill créé et dansé par Splintgroup, Gravin Webber, Grayson Millwood et Sarah-Jayne Howard en première française.
Alors là, je me suis demandée comment les services de l’immigration avaient pu laissé entrer cette bagnole avec à son bord trois australiens vraiment chtarbés de chez chtarbé. S’il existait un contrôle technique de tout ce qui roule sur leur continent ? Mais que faisait la peau lisse ? Parce que du côté de chez Montaigne et la Boétie, on appelait une épave le tas de boue qui stationnait sur scène. Au départ, un couple formé d’un homme et d’une femme était en panne sur une aire de repos d’une autoroute qui ressemblait à s’y m’éprendre à toutes les aires de repos de la planète. Déjà, c’était pas trop la colique ces zigues, ils avaient le volant à droite ! Le type sortit, bu un coup de flotte. Il actionna la manette du capot et c’était zéro. Il essaya de démarrer, nada. Il essaya de joindre une dépanneuse avec son téléphone cellulaire qui manquait d’air. Il essaya avec une cabine téléphonique, sans suite. C’était très relais calmos au départ. Ensuite, à l’intérieur de habitacle la nana se réveilla et joua aux amoureuses transies avec l’homme demeuré au dehors. Il y eut ce paysage saisissant d’inventivité qui donnait corps au véhicule comme si il était le quatrième larron de la farce. Avant de rentrer dans la caisse rejoindre sa compagne et la cajoler, le type en déséquilibre instable suivit les lèvres de la femme à travers les glaces du pare-brise, des vitres des portières et de la lunette arrière. Il y eut le barbu qui se radina d’on ne sait où et qui mata l’étal de viande aux ébats. Mâle aise et femelle défaite à bord ! Il y eut la confrontation entre les deux hommes, une tension qui germait pas vraiment tarte à la crème.
Il y a la scène de l’auto-stop, de l’accident sur la chaussée, de l’orage de galets et de tous les petits rien qui jalonnent le parcours des transhumances lorsque terré à l’isolement, l’espace de tous les dangers transbahute les clichés de la réalité. Cette pièce fonctionnait sur le mode de la tension et du relâchement des attentions, sauf que attention, ça bougeait ferme, ça courait dans un dialogue des corps à corps épris du non verbal. C’était toute la force de cette pièce qui peut toucher tous les publics de la planète confrontés un jour ou l’autre à ce genre de situation. Sarah-Jayne la danseuse était époustouflante d’expressivité. Elle avait la robe assortie à sa chevelure rousse qui lui collait à la peau. Son piétinement de l’homme couché par terre se jouait des conventions. Il y eut aussi le barbu qui à sa manière bien à lui de téléphona dans une cabine. C’était un cosmonaute qui avait épousé la gravitation universelle. Il logeait le combiné à son oreille la tête en bas sans aucun accroc et tout en douceur dans la scène contemporaine. Ils ses gestes souples ! De surprises en surprises, ces trois australiens dépassaient les champs de se surpassaient et détournaient les objets de consommation pour ouvrir le champ de tous les possibles, pour la plus grande joie du public resté sur le cul après cette prestation digne de l’unique.
Bravo encore aux envolées très physique et lyriques de ces trois danseurs qui ont eu la particularité fort rare de réinventer un espace scénique, à une époque où dans le monde de la danse contemporaine, les nouvelles technologies à la scène comme à la ville prennent souvent le pas sur la traçabilité des corps des danseuses et danseurs.

Get into character / Final créé par Jared Gradinger et Pictoplasma dansé par l’ensemble des artistes
- Oh regardez, des doudous grandeur nature ! Merci madame pour votre commentaire. Encore une de retour en enfance ! Les doudous je t’en ficherai. Des monstres oui, des présences de bric et de broc avec en dedans des danseuses et des danseurs qui les mouvaient. Moi, ça me rappelait plutôt la complexité des marionnettes auxquelles on aurait coupé le sifflet et je sais de quoi je parle. Ca me causait aussi concept « Kinderfest » (fête des enfants) où les mouflets fabriquent des personnages et les animent dans la rue. Je pense que Jared qui vit entre Berlin et New York participe du même esprit. Des poilus, des lisses, des crocs, des couleurs, des à tronche de biscuit, d’autres « vélotés » ou à pinces, Il y avait l’embarras du choix. Le public hilare en redemandait. Du rock hard aux musiques douces, et les maxi monstres se déverrouillaient les gambettes sur scène. A presque quatre heures du matin, je peux vous garantir le succès garanti.

En effectuant un regard circulaire entre « Private dancer » et « Roadkill », nous naviguions à vue entre trois personnages. Dans le premier cas : un homme et deux femmes et dans le second : une femme et deux hommes qui se mouvaient dans un espace intérieur ou extérieur. Autant en interne, nous avions à faire à l’évitement de la communication, autant en externe la chape des murs tombaient et mettaient en danger les personnages les uns par rapport aux autres.
De ces deux conceptions de l’appropriation scénique et dans le mélange des genres sur les rapports hommes / femmes, ce fut incroyable l’énoncé des palettes représentées en un laps de temps et un périmètre réduits.
Comme quoi, une fois encore, les jeunes figures de la danse contemporaine en liesse sur les scènes des Grandes traversées se sont surpassées, ont brisé les chaînes des schémas pré-établis pour donner toutes leurs forces dans des processus d’innovation et d’inventivité encore jamais égalées !

Mon seul regret devant la richesse et la qualité de toutes les prestations, ce fut de ne pas pouvoir assister à toutes les scènes, étant donné que tout se déroulait seulement sur une soirée.
Mon autre regret avéré pour des raisons matérielles de déplacement, ce fut de ne pas pouvoir participer à la fiesta du 31 décembre à la Base sous-marine de Bordeaux. En effet, sur une centaine de kilomètres, le brouillard très dense la nuit et les animaux sauvages des forêts du Médoc eurent raison de la tire du Bartos kamikaze. Ce dernier n’ayant fort heureusement pas l’étoffe du chasseur digne du beauf de Cabu première version qui fonçait sur les chevreuils tel le tueur carnassier sanguinaire.
L’été prochain, c’est certain les conditions météorologiques seront clémentes à souhait !


Prochaine étape : l’édition estivale des Grandes traversées du 26 juin au 3 juillet 2009. Jated Gradinger et sa communauté danseront entre les deux rives de la Gironde entre la Pointe du Médoc et les portes du Poitou-Charentes. A suivre donc….. dans la joie et la bonne humeur comme il se doit !

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